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129 A -- La Troisième guerre d'Indochine, Esprit, nº7-8, juillet-août 1979, p.134-9.

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LA TROISIEME GUERRE D'INDOCHINE

par S.Thion

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On pouvait penser en 1975 que la paix allait enfin s'instaurer sur la péninsule dévastée. Il n'en était rien pour une raison fondamentale: les communistes, qui arrivaient au pouvoir par la force des armes, n'avaient pas substantiellement élargi leur pouvoir politique. En particulier, les énormes populations urbaines, composées en majeure partie de paysans déracinés, aspiraient à la paix mais avaient marqué leur profonde réticence devant les perspectives de la collectivisation économique. Le problème de la répartition et de l'exercice du pouvoir se posait dans des termes qui étaient sociologiquement nouveaux pour les vieux appareils communistes: il fallait sans aucun doute innover, créer des structures politiques qui permettent d'intégrer les nouvelles couches sociales créées par la décomposition de la société traditionnelle. Ces nouvelles couches ne se laissent pas définir facilement; les vieilles bourgeoisies terriennes ont été laminées; la modernisation imposée par la présence américaine et ses flots de dollars a ruiné, sans les remplacer, les moyens anciens de production et a décuplé les désirs de consommation. La juxtaposition de ce gigantesque parasitisme social avec l'austérité quasi-autarcique de l'espace social contrôlé jusque là par les communistes ne pouvait prendre que des allures explosives.

Nous étions quelques-uns, il y a dix ans, en Indochine, à nous en inquiéter. Les dirigeants politiques de l'insurrection viêtnamienne paraissaient conscients de l'ampleur des problèmes. Il semblait même parfois que la solution tripartite qu'annonçait la négociation avec les Américains avait l'avantage à leurs yeux de créer une autorité tampon au moment de la phase transitoire. Il était évident que le gouvernement qui aurait à recueillir l'héritage de la guerre en pâtirait durement. Il valait mieux partager le fardeau.

La conjoncture internationale et surtout le refus des Américains d'accepter l'émergence d'une troisième force ont fini par faire prévaloir la solution purement militaire. Cette issue d'un conflit trentenaire allait durablement donner la prééminence politique aux tendances autoritaires des différents partis communistes indochinois. Dès 1976, différents observateurs notent qu'au Viêt-Nam le parti n'est pas à même d'imposer toutes ses vues à l'armée sur certains problèmes. La question des personnes de l'ancien régime internées après la chute de Saigon a montré les contradictions qui existaient entre les militaires obsédés par les problèmes de sécurité et des groupes d'administrateurs du parti, davantage soucieux de gestion politique.

Les Viêtnamiens, pour en quelque sorte excuser les énormes difficultés que rencontre leur administration, surtout dans le Sud, les expliquent par le manque de cadres autochtones dû aux massacres des opérations de pacification accélérée, Phénix et autres. Le fait est indubitable. Mais il n'est guère pertinent. L'aspect dominant de la politique menée depuis 1975 a été la confiscation à peu près complète du pouvoir au profit du parti. La grande majorité de la population du Sud, qui n'avait pas pris activement part à la lutte dans le cadre défini par les communistes, est tenue à l'écart des décisions. Son désenchantement est profond. Le capital de sympathie que possédait le nouveau régime en avril 1975 s'est dilué à cause de sa propre étroitesse de vues.

Comme l'avait déjà noté dans les années cinquante Paul Mus, ce ne sont pas au Viêt-Nam les hommes qui ont gagné la guerre qui sont les plus aptes à remporter la paix. Il fallait sans doute que la vieille génération formée au cours des années trente et quarante passe la main, que des hommes nouveaux surgissent à la fois du parti et des nombreux groupes qui avaient sourdement résisté à l'emprise américaine. La gangue stalinienne et ses habitudes de paresse bureaucratique n'ont pas été remises en cause. L'imagination n'est pas arrivée au pouvoir. Et même si une grande prudence a présidé à la mise en place des nouvelles institutions politiques et économiques, il n'en reste pas moins que le futur du pays, tel qu'il est tracé par le parti, n'a pas varié d'un iota. Les transformations de la société viêtnamienne depuis vingt ans sont superbement ignorées... Le prix de cette raideur politique se paie: faiblesse du régime, impuissance économique, isolement international. Le Viêt-Nam demande qu'on l'aide mais il ne s'aide pas beaucoup lui-même.


A cet égard, la formule cambodgienne, mise en place en 1975, n'est pas très différente. Ses modalités le sont en raison d'un contexte historique très dissemblable. Mais là aussi, l'appareil communiste qui prend les rênes du pouvoir se refuse à prendre en charge les transformations sociales héritées de la guerre. Au lieu de simplement ignorer les couches fraîchement urbanisées, incontrôlables dans l'état de ses moyens, il les supprime en les dissolvant dans la campagne. On sait que l'opération, portant sur une population déjà considérablement affaiblie par l'insuffisance de nourriture dans les derniers mois du régime Lon Nol, a fait de très nombreuses victimes, probablement plusieurs dizaines ou centaines de milliers, mais non des millions comme le disent des propagandistes naifs ou intéressés.

Il faudrait ici s'embarquer dans une longue analyse de la société khmère pour montrer la faiblesse structurelle de la bourgeoisie commerçante et administrative sino-khmère, le blocage d'une société rurale mise dans l'impossibilité de se développer par un ponctionnement stérile de ses maigres surplus. Il suffit de rejeter les mythes si courants d'un pays "heureux". Le Cambodge rural vivait avant la guerre dans un grand dénuement matériel, accompagné d'un isolement culturel à peu près total. Toute paysannerie arriérée, pourvu qu'on la regarde par les fenêtres d'une confortable limousine, ne manque pas de charme. Il y a parmi les commentateurs politiques plus d'amateurs d'exotisme que l'on croit.

Le parti communiste khmer, quand il arrive au pouvoir, est à peu près complètement inconnu, même au Cambodge. Il n'a jamais publié ni son programme, ni ses analyses. Ses dirigeants sont également inconnus, pour la plupart. Son existence même n'est rendue officielle qu'en septembre 1977. Pour tenter d'en analyser la politique, il faut donc avoir recours à une investigation très minutieuse des rares sources documentaires disponibles.

L'élément essentiel est certainement son hétérogénéité. Le parti, dont il ne faut pas oublier qu'il est de taille très réduite, quelques centaines de membres jusqu'à 1970, quelques milliers depuis, englobe des groupes de provenance diverse: anciens résistants de la première guerre d'Indochine, en collaboration avec le Viêt-Minh, dont certains sont restés sur place alors que d'autres partaient au Nord Viêt-Nam en 1954 pour ne revenir qu'en 1970; intellectuels formés à Paris dans le cadre d'un PCF qui vivait sa grande époque stalinienne, jeunes intellectuels sous-employés à Phnom Penh et attirés par la révolution culturelle chinoise, paysans victimes d'exactions des autorités locales et ayant fui dans la forêt, etc., sans compter les jeunes paysans incultes recrutés dans les forces armées de la résistance à partir de 1970 et à qui ont été données des responsabilités locales étendues.

Les rigueurs de la répression sihanoukiste, l'analphabétisme du monde paysan, la lenteur des moyens de communication s'ajoutèrent pour faire du mouvement communiste une juxtaposition d'éléments peu coordonnés. Là, des militants menaient des batailles électorales dans le cadre peu démocratique du régime de Sihanouk. Ailleurs, d'autres avaient pris le maquis, et sans pouvoir mordre sur la masse paysanne, en recueillaient les éléments réfractaires. D'autres servaient d'auxiliaires des forces viêtcong dans les régions frontalières. Chaque groupe se définissait de manière propre. Les questions de stratégie à l'égard du régime de Phnom Penh, de rapport avec le mouvement communiste viêtnamien, chinois ou soviétique, recevaient des réponses variables. La nature même du mouvement était mal définie: nous avons ainsi, dans des documents différents, trois dates de naissance pour le parti communiste khmer: 1951, 1960 et 1966.

Les luttes entre ces différentes tendances ont commencé à s'intensifier en 1970 quand l'enjeu était la direction de la guérilla contre les Américains et leurs séides locaux. L'existence de ces rivalités est connue mais on en connaît surtout les conséquences.

D'une manière certainement trop schématique, on peut dire que le parti est composé de trois tendances principales: la première, la plus modérée en matière de révolution, est celle que forment les militants qui partagent l'analyse du parti viêtnamien sur la manière de battre l'impérialisme américain, sur la nécessité d'une large politique frontiste et du déroulement de phases prolongées dans le développement du socialisme. Issus pour une bonne part de l'enseignement et des traditions organisationnelles du PC indochinois, ces militants sont sans doute méfiants à l'égard des "déviations" nationalistes ou maoistes. Ils font facilement l'objet d'attaques qui les qualifient de "valets des Viêtnamiens", surtout ceux qui ont passé plus de quinze ans au Viêt-Nam.

Une deuxième tendance, la plus radicale, est aussi la plus récente. C'est celle qui a vu dans la révolution culturelle chinoise et le petit livre rouge l'alpha et l'oméga de l'action politique. Il ne faut d'ailleurs pas oublier comment fonctionnent en pays khmer les chaînes de transmission culturelle: simplification et mémorisation, car à peu près tout se fait oralement. C'est donc une version simplifiée du maoÏsme, si une telle chose est possible, qui sert de guide à ces gens-là. Ils sont ultra-nationalistes, considèrent les Viêtnamiens comme de dangereux révisionnistes rêvant d'"avaler" le Cambodge. Pour eux il suffit d'appliquer les règles, sans égard pour les résistances qui doivent être écrasées par la force. Ils ont constamment poussé à la radicalisation, dès les années 71-72, avec les premières liquidations de leurs alliés sihanoukistes, de leurs camarades pro-viêtnamiens ou réputés tels, avec le lancement de la réforme agraire accélérée dans les secteurs où ils étaient assez forts, dès 1973, avec la liquidation des structures religieuses ou minoritaires (bouddhisme, Chams, islam, démolition de la cathédrale de Phnom Penh, etc.). Il semble bien que, coalisés avec la dernière tendance dont nous allons parler, ils aient dominé le parti jusqu'à 1976. Ils paraissent aujourd'hui en recul et il se pourrait que l'invasion viêtnamienne précipite leur déclin.

Entre ces deux groupes violemment antagonistes, la tendance centrale n'a pas cherché l'arbitrage. Animée d'un nationalisme sourcilleux, qui frise le racisme, elle s'est tracé une ligne d'indépendance qui était propre à lui assurer l'hégémonie sur le mouvement khmer, en n'acceptant les devoirs de la solidarité anti-impérialiste que dans la mesure où ils lui profitaient directement. L'alliance de fait avec les troupes communistes viêtnamiennes était sans contrepartie politique. En même temps, une expérience politique plus longue et plus variée leur faisait sans doute voir les limites du dogmatisme maoiste. La crise entre ces deux courants est intervenue en 1976, après que des révoltes aient secoué l'appareil politico-militaire issu de la guerre, et que le prix de la politique ultra-radicale de 1975 ait commencé à se faire sentir: médiocrité des résultats économiques par rapport aux espoirs de l'année précédente, dégradation de l'état sanitaire de la population, isolement international, et nécessité de faire fond de plus en plus sur l'aide chinoise. Il serait trop long de rétablir ici dans le détail la chronologie des événements cambodgiens, mais la période de septembre 1976 à janvier 1977 semble cruciale. C'est aussi celle de la mort de Mao Zedong et de l'arrestation de la "bande des quatre". A ce moment-là, Pol Pot, qui était écarté des affaires, revient au premier plan et, avec son beau-frère Ieng Sary, s'installe au contrôle de la machinerie du parti. Dès lors, les purges vont se succéder. Les pro-viêtnamiens, y compris ceux qui comme Koy Thuon, siégeaient au Comité central, sont éliminés d'abord un par un, puis par groupes, dans les endroits qu'ils contrôlent. C'est là l'origine de la guerre larvée avec le Viêt-Nam.


L'épreuve de force est en effet engagée. Les modérés, qui se sentent menacés peuvent demander, ou demandent l'aide des Viêtnamiens que la nouvelle tournure des événements phnompenhois ne satisfait guère. En 1976, en effet, les rapports sont assez bons, et la presse viêtnamienne non seulement ne dit mot des atrocités cambodgiennes dont elle régalera ses lecteurs en 1978 mais fait l'éloge du régime. Créer la rupture totale avec le Viêt-Nam est un impératif pour la survie politique du groupe Pol Pot; elle lui permet d'isoler et de détruire un à un les bastions où ses opposants conservent leur influence. Ces opérations iront crescendo jusqu'en avril 1978 avec l'assaut lancé par les forces fidèles à Pol Pot contre le quartier général de la région Est, où So Phim, vice-président du présidium et probablement membre du bureau politique, est tué. C'est sans doute pour Hanoi la fin des espoirs de voir le PCK évoluer de l'intérieur vers des positions plus conciliantes. L'ordre du jour, c'est donc la guerre.

Pourquoi? Il y a les raisons cambodgiennes. C'est, à mon avis, pour Phnom Penh le seul moyen d'unifier le parti, l'Etat, le pays. Pour les Viêtnamiens, les considérations sont d'ordre international. Faisons litière, pour commencer, des vastes fresques géo-historico-politiques qui expliquent les conflits actuels par les guerres des siècles et des millénaires passés. A ce compte, chaque pays a attaqué son voisin maintes fois dans le passé et l'on s'étonne que la mêlée ne soit pas générale. N'en déplaise à l'image que les Viêtnamiens se font d'eux-mêmes, le temps de Lê Loi est passé et Deng Xiaoping n'est pas le Fils du Ciel. Quant aux Khmèrs, il me resouvient qu'ils ont attaqué le Tonkin au xii e siècle et qu'ils ont subi des avanies plus récentes autant ou plus aux mains des Siamois que des Viêtnamiens. Il est des ennemis héréditaires avec qui l'on s'arrange, si besoin est.

Pour les Viêtnamiens, la fin de la guerre entraînait aussi la fin du périlleux exercice qui avait consisté à se tenir au milieu du conflit sino-soviétique. Ayant marqué par leur politique depuis 1956 qu'ils ne donnaient pas dans la version maoisée du socialisme asiatique, ils se devaient de continuer à maintenir un certain équilibre entre l'ours russe et le dragon chinois, puisque ce bestiaire est à la mode. Les Chinois ont entre-temps changé de façon substantielle le cours de leur politique étrangère. Dès 1972, le rapprochement sino-américain se profile à l'horizon. Les Chinois n'approuvent guère les accords de Paris de 1973, et encore beaucoup moins la déroute américaine de 1975. La présence américaine en Asie est dès ce moment conçue par Pékin comme un élément indispensable de l'équilibre stratégique nécessaire pour que la Chine puisse faire face à la puissance soviétique, disposée de façon massive et menaçante à sa frontière. Les Viêtnamiens ont compris très tôt que leur indépendance, et les liens qu'ils ne pouvaient pas rompre avec le bloc soviétique, à moins d'asphyxie économique, ne seraient pas tolérés longtemps par une Chine en train de se hisser au rang de puissance mondiale.

Laissons là les traditions du système des Etats tributaires cher à l'ancien régime chinois. Vu de Pékin, un Viêt-Nam puissant doit faire partie d'un système de sécurité qui protège la Chine, ou être neutralisé, soit économiquement, soit militairement. Vu de Hanoi, on cherche d'abord à échapper à cette alternative par un rapprochement avec l'Ouest mais les Européens se dérobent, la France en premier lieu. On ne leur pardonne toujours pas Diên Biên Phu. Les Américains tergiversent puis finissent par aboutir à un règlement de tous les problèmes pendants en septembre 1978. Il ne reste plus, à cette date, qu'à rouvrir les relations diplomatiques. (Cette information qui n'a pas été rendue publique m'a été donnée au State Department.) Mais les Chinois font le forcing. Ils sont terriblement pressés de voir leur nouveau cours se concrétiser. Les Américains se sentent contraints de choisir et la reconnaissance diplomatique de Pékin passe de loin avant celle de Hanoi. L'ouverture, comme celle de Hô Chi Minh en 1945-46, a échoué. Les Viêtnamiens voient l'affrontement se profiler et ce n'est pas seulement une analyse théorique. Lorsqu'ils veulent frapper les forces cambodgiennes qui les harcèlent et font la politique de la terre brûlée dans le delta du Mékong, ils rencontrent une résistance inattendue: l'armée khmère n'est plus celle qu'ils ont connue en 1975: elle a doublé ou triplé, elle est dotée d'un équipement lourd tout neuf. Les conseillers chinois se multiplient. Ils sont en train de doubler la capacité du port de Kompong Som, de refaire la route de Kompong Som à Phnom Penh et de construire une nouvelle ligne de chemin de fer qui passe moins près de la frontière viêtnamienne. Manifestement Pol Pot et Deng Xiaoping ont conclu une alliance militaire d'envergure pendant que les ambassades viêtnamiennes piétinent à Pékin sans l'ombre d'un encouragement.

Les Chinois peuvent bien intoxiquer la presse occidentale en faisant dire officieusement qu'ils n'aiment pas beaucoup le régime de M. Pol Pot, ils se sont effectivement servi des Cambodgiens sans la moindre gêne. Ils ont également la carte Sihanouk, qu'ils ont fait sortir de leur manche et de Phnom Penh en dépit des communistes khmers qui eussent préféré la garder dans la leur, et ils tentent de jouer celle des lonnolistes. L'attaque chinoise ne pouvait manquer de se produire; les Viêtnamiens ont frappé au Cambodge pour ne pas avoir à tenir deux fronts équipés d'armes lourdes.

Les Viêtnamiens ne peuvent pas ignorer qu'il leur est impossible de contrôler complètement le Cambodge. Ils connaissent le terrain et les hommes qui leur font face. Mais en détruisant l'une des pinces de la tenaille chinoise, ils renforcent leur position. Tout règlement indochinois doit passer par une formule cambodgienne qui cesse de menacer la sécurité du Viêt-Nam. Il en va de même pour le Laos. Appelons cela "impérialisme viêtnamien" si l'on veut mais, dans le monde où nous vivons, sous la dictature des formes étatiques, il est peu d'Etats qui ne réclament la même chose. On ne peut en tout cas faire de l'intervention des Viêtnamiens au Cambodge la simple réalisation d'un vieux projet d'annexion: en 1970-72, les communistes viêtnamiens avaient un contrôle presque complet du Cambodge, or, à la fin de 1972, ils se sont retirés sur les frontières. C'est en tout cas ce qu'affirment les rapports de la CIA de l'époque.

Pour ne pas en passer par les conditions chinoises, les Viêtnamiens ont dû donner des gages aux Soviétiques. Mais leur amour des Soviétiques est loin d'être immodéré et ils ne se font sans doute pas d'illusions sur le désintéressement du grand frère russe.

Quelles sont, dans ce cadre, les conditions d'un règlement? Les Chinois, qui ne veulent pas être tout en Indochine, ne veulent pas être rien. Ils veulent des garanties qui les assurent que leurs intérêts seront pris en compte. Les Viêtnamiens veulent que les Etats qui les entourent soient neutres ou bienveillants à leur égard. Les Soviétiques n'ont rien à gagner dans une crise qui prendrait des proportions plus grandes. Un accord peut donc se faire et la clé en est certainement le futur régime cambodgien. Sihanouk est acceptable pour les Chinois car on le sait nationaliste et acceptable pour les Viêtnamiens car on le sait neutraliste. Il ne l'est guère pour les communistes khmers s'il a un pouvoir réel car ils le savent anticommuniste. Si un accord se fait sur le rôle de Sihanouk, les communistes khmers savent qu'ils auront contre eux une coalition de bouddhistes, de communistes pro-viêtnamiens, d'anciens lonnolistes, etc.

Ils doivent donc infléchir leur politique pour ôter à cette coalition potentielle sa clientèle et sa cohésion. Dans les premiers jours de janvier, un congrès du PCK s'est tenu à Phnom Penh. C'est lui qui a décidé le retour au maquis. On ne connaît pas les résolutions du congrès, mais il est vraisemblable que ce retour en arrière sera analysé comme la conséquence d'une politique trop volontariste et trop rigide. Les effets de cette révision politique se font déjà sentir. Aujourd'hui Pol Pot parle un langage frontiste et prend des positions à la viêtnamienne. Les effroyables épreuves que traverse la population cambodgienne en seront-elles allégées?


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