192 -- Les socialistes veulent
la guerre, faisons la guerre aux socialistes, tract recto--
verso, 3 janvier 1991 (Les Balayeurs du Golfe).
Qui a créé le nouveau monstre Saddam? Comment ce banal coq de village en est-il venu à menacer réellement l'ordre économique mondial?
Il a été l'homme providentiel de l'Occident Fort des conseils américains, de la complicité soviétique et des promesses françaises de fournitures d'armes, il a attaqué l'Iran qui venait en 1979 de commettre le crime majeur: se soustraire à la tutelle américaine. Faute de détruire physiquement la révolution iranienne. il l'a épuisée par une longue guerre d'usure.
Pour le plus grand profit d'un Occident repu et des monarchies pétrolières du Golfe, l'Irak a payé le prix: du sang (300.000 morts) et de l'argent (70 milliards de dollars de dettes).
A l'issue de cette guerre fratricide. et pour la première fois depuis 1973. un pays arabe se trouvait doté d'une véritable armée en état de marche. susceptible de relever le drapeau au nationalisme arabe, piétiné et déchiré par les Israéliens, les Américains, les Anglais, les Français et les Russes, toujours tous acharnés à maintenir leur "influence" et à jouer leur "rôle" dans ce monde arabe qu'ils ont arraché en 1918 au vieil empire ottoman. Israel a été conçu par eux en 1948 comme le poignard qu'il fallait ficher dans le dos du nationalisme arabe pour le neutraliser. Cinq fois déjà, 1948, 1956, 1967, 1973, 1982, l'armée israélienne est partie à la conquête d'un monde arabe balkanisé, déchiré, qui a résisté tant bien que mal.
Si l'Amérique débarque ses soldats. c'est qu'elle n'a plus d'autre moyens pour imposer son ordre, celui du pillage des ressources de la région. L'Intifada --la guerre des pierres-- a montré que le militarisme israélien, ses massacres, ses tortures, ne faisaient plus peur. Le chantage atomique exercé par Israel sur la région effraie davantage les Américains que ceux qui aiguisent les poignards de la vengeance. L'obstination des Shamir et des Perès à régner par la terreur les amènerait inévitablement à tenter de détruire le potentiel militaire iranien par l'arme nucléaire. Dans une bataille rangée, les chances israéliennes ne sont pas assurées et les pertes seraient énormes. Déjà, pendant l'été 1982. les Israéliens ont eu peur de lancer l'assaut sur Beyrouth, face aux fantassins de l'OLP retranchés dans les ruines. C'est ce chantage atomique israélien (200 bombes nucléaires et thermonucléaires, fabriquées sur place, grâce, à l'origine, à du matériel français, fourni par les socialistes) qui oblige les Américains à débarquer dans le Golfe. Ils devront faire le travail eux-mêmes, avec des moyens conventionnels, pour sauver Israel de sa tentation suicidaire de lancer l'Holocauste atomique.
Les masses arabes, qui vomissent les dictatures qu'entretiennent à leurs dépens l'Occident, comprennent instinctivement que l'heure de l'affrontement à sonné. Chez elles, le désir de justice sociale est depuis longtemps étouffé par les tortionnaires des services spéciaux. Elles se rallient non pas à Saddam Hussein, le boucher de Baghdad, mais au peuple arabe en arme qui va défendre dans les sables du Koweit son droit à former une nation et à s'émanciper des hégémonies étrangères. L'Islam est son ciment, le seul qui lui reste devant la corruption de ses élites. Ceux qui veulent faire l'Europe aujourd'hui doivent comprendre que l'aspiration à unifier la nation arabe est légitime, qu'elle est plus ancienne et plus profonde encore, que le temps où ses ressources naturelles peuvent alimenter un vrai développement économique est compté, car le pétrole s'épuisera dans une ou deux génération.
Depuis deux ans, une campagne de presse insidieuse est menée contre l'Irak sur le thème de la "menace" (affaire du "canon" mythique, des "détonateurs atomiques" à 100F/pièce...). Il menace surtout notre appropriation du pétrole et l'investissement des pétrodollars dans notre économie industrielle, au détriment des immenses masses de miséreux du Proche-Orient. C'est cela, l'ordre international. Il s'exprime par le dogme de l'intangibilité des frontières, qui furent tracées entre les deux guerre par les seuls Anglais, et à leur seul profit. Dans cette affaire, le droit international n'est qu'une mascarade sans intérêt.
Les buts réels de cette guerre sont:
-- Sauver Israel de ses démons qui sont le recours accru à la violence, au racisme et au militarisme.
-- Mettre la main sur les seules grandes réserves pétroliéres à bon marché pour revaloriser les réserves américaines et soviétiques qui ne sont importantes et exploitables que si le prix du pétrole reste élevé.
-- Matraquer les Arabes jusqu'à ce qu'ils reconnaissent que seule l'Amérique est grande et que le dollars est son prophète.
Que vient faire la France dans cette horrible mêlée? Nous y perdrons tout: des hommes, de l'argent, la considération qui nous reste peut-être dans le Tiers-Monde. Au début août, Mitterrand envoyait dans le Golfe un porte-avions sans avion. Il s'est ensuite totalement aligné sur Washington. Sous l'effet de quelles pressions?
Cette crise montre clairement:
-- que l'indépendance de la France est un mythe grotesque;
-- qu'un président quelconque a le pouvoir impérial de nous jeter dans la guerre sans que personne n'ait un mot à dire;
-- que la presse et le monde politique nous mentent depuis six mois sur les véritables buts de cette guerre et sur le fait qu'elle a été décidée depuis le début, quoi que fasse Saddam Hussein, qui l'a bien compris;
-- que notre démocratie est une coquille vide, dans laquelle ne sont plus que des téléspectateurs abrutis, sondables et corvéables à merci;
-- que la doctrine des Droits de l'Homme est un chiffon de papier au moment où l'on s'apprête à bombarder massivement les civils irakiens, action définie dans les textes comme "crimes contre l'humanité";
-- que les socialistes, vieux routiers des guerres coloniales, veulent la guerre et qu'ils sont donc les ennemis principaux du peuple français et du peuple irakien.
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