-->
No hate. No violence
Races? Only one Human race
United We Stand, Divided We Fall
Know Your enemy!
-No time to waste. Act now!
Tomorrow it will be too late
You are what you know and what you do with what you know -¤- Freedom of Speech - Use it or lose it!

 

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LES FORMES DE DEVELOPPEMENT

ET DE MODERNISATION ARABES

 

- Dans le monde arabe, quatre modèles différents de développement et de modernisation ont été expérimentés. Premièrement : le modèle algérien d'autogestion ; deuxièmement : le modèle nassérien d'application arabe du socialisme scientifique ; troisièmement : l'expérience libyenne ; quatrièmement : le développement fondé sur le pétrole.

Je vous propose de commencer leur examen par l'expérience de la révolution du 1 er Novembre. Comment l'idée d'autogestion a-t-elle émergé ? Qu'est-ce qui vous l'a inspiré ?

L'autogestion en Algérie n'est pas une idée personnelle, mais plutôt le produit du génie populaire et des nécessités du moment. Lors de l'étape transitoire qui avait précédé l'indépendance, les colons français, les employés des services administratifs et les cadres du système colonial sont partis subitement, abandonnant tout derrière eux. C'est ainsi que, spontanément et de son propre chef, le peuple a occupé toutes les places vacantes pour gérer les fermes, les propriétés agricoles, les usines et les services publics. Ainsi est née l'autogestion en Algérie. Cela m'a d'ailleurs amené à méditer sur ce qui s'était passé. Nous nous serions

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effectivement effondrés ainsi que l'ancien colonisateur l'avait souhaité et programmé, sans le génie des travailleurs qui sont parvenus à faire tourner les rouages. En toute sincérité, ce fut pour moi, une sorte de second ler novembre lorsque je vis combien le peuple avait été marqué profondément par ce sursaut.

Lorsqu'au lendemain de l'indépendance, j'ai sillonné villes et villages pour lancer l'expérience autogestionnaire, les masses populaires ont répondu "oui" à l'autogestion. Mais, il fallait auparavant dissoudre le Parti et former des comités révolutionnaires pour édifier sur cette base le nouveau pouvoir.

J'ai d'ailleurs failli le faire, mais, malheureusement, j'ai commis l'erreur flagrante de retarder cette expérience.


- Aviez-vous réellement envisagé de dissoudre le Front de libération ?

Tout était envisageable dans la mesure où l'autogestion permettait au peuple d'être celui qui veut, celui qui organise et prend les décisions. A quoi bon, alors, un Front de libération ? Je dirai même plus, à qui auraient servi les syndicats dans cette situation ? Malheureusement, une déviation fondamentale s'est produite à cette époque.

Pour qu'elle soit réelle, l'autogestion implique des liens entre le politique et l'économie. C'est de ce système qu'émerge le pouvoir des producteurs. Quand je parle de producteurs, je ne me réfère pas seulement aux ouvriers mais à tous les producteurs, manuels ou intellectuels. Pour y parvenir, il faut absolument que toutes les structures économiques, sociales, culturelles, sanitaires, municipales et autres soient intégrées dans le système de l'autogestion et non pas qu'il se limite à telle usine ou telle ferme agricole. L'autogestion doit englober l'usine, la ferme comme l'école, l'hôpital ou l'administration. Il faut aussi que la démocratie ou choura irrigue en permanence le tissu de ces structures dans leur totalité. Je me rappelle d'ailleurs, qu'au cours d'un dialogue avec Bani Sadr, j'avais souligné cette nécessité et lui avais dit que l'autogestion resterait un terme étranger pour nous si nous n'y associons pas la choura au sens large du terme.

La choura est en effet le contenu même de l'autogestion. Elle lui donne son sens. Elle doit y être présente à chaque instant, à

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chaque seconde et dans chaque circonstance. Si nous ne concevions pas l'autogestion dans cet esprit et de cette manière, cela resterait pour nous un concept étranger. Aussi étranger que l'est cette expérience occidentale appliquée en Yougoslavie et où elle a échoué du fait de la domination du parti unique.


- Quelles ont été les réactions suscitées par l'application de l'autogestion au cours de la première année ?

On dit que la fonction crée l'organe... Les ministres qui étaient au pouvoir avec moi ont tout naturellement aspiré à étendre leur autorité et leurs prérogatives. Ainsi, lorsque nous avons commencé à appliquer, dans certains secteurs, l'autogestion - application qui entraînait la limitation de leurs prérogatives puisque les décisions venaient de la base -, petit à petit, les ministres ont commencé à s'en plaindre. Voilà, comment mes collègues au pouvoir ont combattu l'autogestion, essayant même d'entraver, pendant un moment, l'action que je menais pour appliquer cette expérience.

Le plus grave danger n'était pas vraiment là ; cela aurait pu être corrigé par la suite. L'erreur fatale, c'est qu'au moment où le peuple entier s'était engagé dans la voie d'un changement révolutionnaire radical, nous n'avons pas su exploiter cette occasion pour mener une épuration et bouleverser de fond en comble le système et les institutions. Pourtant, grâce au soutien populaire dont je bénéficiais, j'étais, à cette époque, disposé à affronter n'importe quelle force, extérieure ou intérieure, y compris l'armée ! Voilà l'erreur fatale. C'est celle de n'avoir pas su exploiter cette situation. J'avais d'ailleurs le sentiment, à cette époque, d'être infiniment plus proche de mes frères de la campagne que des citadins.

Un mois environ avant le coup d'Etat de juin 65, j'avais visité Souk Ahras qui est une ville située dans une région connue pour sa glorieuse résistance lors de la lutte de libération. Sur mon chemin, je devais m'arrêter dans le village de Sedrata. Mais à ma stupéfaction, notre convoi fut stoppé par un barrage de villageois qui avaient bloqué la route avec leurs tracteurs. Draïa, un responsable de Souk Ahras qui faisait partie du convoi officiel (il ne sera d'ailleurs pas étranger au coup d'Etat, mais cela est une autre histoire) alla jusqu'à me suggérer de sévir contre ces

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paysans. Bien entendu, je ne tins pas compte de cette aimable suggestion et descendis de voiture pour discuter avec eux. Peinés, ils me reprochaient simplement, alors que je passais non loin de leur bourg, de ne pas m'arrêter pour leur rendre visite ! Je leur promis donc que sur le chemin du retour je leur consacrerais une partie de la soirée. C'est ainsi qu'à mon retour j'eus l'occasion de les écouter. A vrai dire, leurs propos ne différaient en rien de ceux que j'avais eu l'occasion d'entendre un peu partout au cours de mes visites aux paysans et aux agriculteurs. C'était toujours la même mise en garde : "Ahmed, prends garde d ceux qui t'entourent... Ils sont ceux-là même qui collaboraient avec les Français." Il est vrai qu'à cette époque, la révolution n'avait pas encore pris toutes les mesures à cet égard.

Ces agriculteurs me réclamaient en outre la constitution de comités révolutionnaires dont les membres seraient issus de leurs rangs.

Je suis resté des jours entiers à songer à cela, je me disais : "Tu

ne devrais pas retourner dans la capitale, tu devrais rester parmi les tiens. Pourquoi retourner là où il y a des consuls, des ambassadeurs, des politiciens, des commerçants et des bureaucrates !"

Pourquoi n'ai-je pas pris rapidement ma décision ? Pourquoi n'ai-je pas donné le pouvoir à ces paysans qui avaient su appliquer en un temps record une autogestion devant lequelle je suis resté stupéfait ? Si j'avais délié leurs mains et si je les avais armés, nous aurions assisté réellement à une seconde révolution.

La révolution du ler Novembre était sortie de sa ligne... Le pouvoir avait été confisqué par ceux qui, pendant la lutte de libération nationale, vivaient au Maroc, en Tunisie et ailleurs. Leurs idées politiques et leur comportement quotidien en avaient fait des étrangers aux idéaux du ler Novembre.


- De plus en plus des voix s'élèvent pour réclamer l'application de l'autogestion, considérant que les systèmes et modes de travail adoptés en Occident sont nocifs aux travailleurs.

Ce n'est pas le propre de l'Occident, c'est valable aussi pour l'Orient. A vrai dire, l'idée fondamentale des modes actuels de production était celle adoptée par Lénine. Cette idée est celle du taylorisme qui implique la division du travail en unités

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extrêmement réduites où chaque travailleur accomplit des tâches précises et répétitives, souvent tout au long de sa vie. S'il est vrai que cette méthode permet réellement de gagner beaucoup de temps et d'accroître la productivité, elle mène également à une catastrophe sur le plan humain. Que devient un travailleur au bout de vingt ans de gestes toujours semblables, inlassablement répétés du matin au soir ? A force de concentrer toute son énergie psychique et créative sur cet espace réduit, il finit pas s'identifier à sa machine. Cette découverte de Taylor, un ingénieur américain, fut adoptée par Lénine qui croyait que le temps ainsi gagné pourrait être consacré à l'éducation des travailleurs. Mais dans la pratique, les résultats ont abouti à l'inverse de ce qu'espérait Lénine. En adoptant le taylorisme, le socialisme a, en fait, suivi une voie essentiellement capitaliste et s'est vidé de sa substance. C'est sans doute une des raisons pour laquelle les ouvriers des usines Renault qui sont à 66 % musulmans rejettent Lénine et se révoltent contre lui en revendiquant des changements dans leur mode -de travail, se plaignant d'être transformés en robots humains.

L'expérience en Occident a démontré le danger de ce système, d'où la multiplication des revendications réclamant l'application de l'autogestion. C'est-à-dire en fait que l'on brise la domination du patronat, que le travailleur sente enfin qu'il est avant tout un homme au sens plein du terme, accomplissant une tâche humaine et créative et non pas seulement un engrenage anonyme dans une machine.

Je crois profondément que l'autogestion est, dans son essence, un système de travail recélant un esprit islamique, antiautoritaire et hostile à l'exploitation dans la mesure où le verset coranique, "Leurs affaires (celles des croyants, Nd1R)) font l'objet d'une consultation entre eux", peut être appliqué à l'autogestion en théorie et en pratique.


- C'est la première fois que j'entends donner une signification économique de ce si beau verset qui, jusqu'à présent, a toujours été interprété politiquement !

Il n'y a pas de différence entre les aspects économiques, sociaux ou politiques pour la raison qu'ils sont interdépendants. Il faut dire aussi que l'autogestion n'est pas seulement une opération

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politique ou économique, elle concerne aussi l'organisation de la vie. Notre but est de lutter pour une vie meilleure. Nous voulons qu'ils débattent entre eux pour choisir la solution qui leur convient le mieux, pour leur vie, leur travail ou la gestion de leurs affaires publiques ; c'est cela la signification de ce verset.


- Quel est le bilan de l'application de l'autogestion en Algérie? Qu'en reste-t-il maintenant sous le régime des colonels ?

Avec cette expérience, les travailleurs ont senti qu'ils ne sont pas simplement des salariés mais qu'ils possèdent aussi quelque chose ; que la ferme, ou l'usine leur appartient d'une certaine façon. Naturellement, l'expérience s'étant arrêtée au lendemain du coup d'Etat, on ne peut pas en dire grand chose puisqu'elle est restée inachevée. Cependant c'était une belle expérience, généreuse, initiée par le génie populaire, nous, nous n'avons fait qu'essayer de la poursuivre et de l'approfondir en codifiant ses structures.

Aujourd'hui, après vingt années de recul, j'estime que l'application de l'autogestion n'est pas viable dans un monde dominé par l'ordre mondial actuel. Elle ne peut réellement se développer que dans le cadre d'un autre système mondial. L'autogestion ne saurait en effet réussir dans un système mondial régi par la rationalité mercantile et par la loi du profit pour le profit.


- N'avez-vous pas joué un rôle quelconque dans l'essor de l'autogestion, ne serait-ce qu'en lui donnant sa pleine signification et ses dimensions théoriques ?

Nous avons passé en revue et étudié le fonctionnement des diverses expériences connues et nous avons constaté que, d'une manière ou d'une autre, elles véhiculaient l'exploitation. C'est ainsi que nous en sommes venus à nous pencher sur l'autogestion. Depuis déjà 1956 je m'étais intéressé à ces questions et je les avais étudiées. J'en étais arrivé à la conclusion que toutes ces expériences comportaient les défauts suivants

1. l'exploitation qui se retrouve déjà dans des unités de base de travail;

2. l'absence de démocratie qui apparaît à des degrés divers.
Itinéraire 203

- L'autogestion exigeait le démantèlement de toutes les structures administratives antérieures ; cette expérience ne ressemble-t-elle pas d ce qui se passe en Libye ?

En effet, l'autogestion exige de nouvelles structures ; c'est une tâche colossale, il se peut même qu'elle nécessite plusieurs décennies, mais elle est indispensable et il n'y a pas d'autres solutions. L'application de l'autogestion dans tous les secteurs, dans sa totale intégralité, conduit directement à un pouvoir des masses qui pourrait ressembler à celui appliqué par les frères en Libye. J'ai d'ailleurs discuté de ce sujet avec eux et j'ai découvert qu'ils avaient étudié notre expérience algérienne d'autogestion et qu'ils s'en sont inspirés. Toutefois, et en toute franchise, si j'approuve sur le plan théorique la formule à laquelle ils sont parvenus, j'ai des remarques à faire pour ce qui est de la pratique car, à ce niveau, il y a des résultats négatifs.


- Croyez-vous, M. le Président, que ce soit la formule appropriée pour réaliser l'indépendance économique dans tous les pays du tiers monde ?

Elle aide, en tout cas, à la cristallisation et à la réalisation de l'idée d'indépendance, de même qu'elle conduit à l'impossibilité de coexister avec le système mondial. En effet, dès qu'un peuple a des velléités d'indépendance et cherche à briser le carcan économique qui l'asphyxie, dès que cette idée commence à faire son chemin, l'ordre international réagit automatiquement et déclenche une sorte de verrouillage qui étouffe la tentative dans l'oeuf. Les banques, les monnaies, le FMI sont quelques-uns des instruments utilisés pour ce verrouillage. C'est la raison pour laquelle l'autogestion ne peut pas se développer au sein du système mondial actuel. C'est aussi la raison pour laquelle elle appelle les peuples à se regrouper et à s'unir dans un cadre favorable à son application. Supposons que l'Algérie ait émis une monnaie indépendante du franc, du dollar ou de toute autre monnaie, cette monnaie algérienne serait restée faible tant que nous n'aurions pas constitué une puissante coalition avec l'Egypte, la Tunisie, le Maroc, la Libye, etc.

L'autogestion conduit à l'indépendance en libérant les forces des peuples et en encourageant la créativité populaire.

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Certains reprochent à l'expérience libyenne de laisser les gens s'exprimer sans retenue dans les congrès populaires. Moi qui connais le peuple libyen depuis les années cinquante, je suis heureux qu'aujourd'hui il puisse faire entendre sa voix, car c'est là une grande réalisation démocratique. C'est une cristallisation nouvelle et originale de l'expression populaire. Par ailleurs, pour ce qui concerne la forme, le terme "Jamahiriya" convient mieux que celui d'autogestion qui est d'origine occidentale.


- Le plus important dans l'autogestion n'est-il pas qu'elle représente une antidote au centralisme ?

C'est exact. La centralisation est essentiellement une production des sociétés occidentales. La domination des peuples, le parti unique, le fascisme, l'Eglise d'autrefois et les tribunaux d'inquisition sont des secrétions occidentales. J'ai eu l'occasion de dire aux marxistes : "Nous sommes mieux disposés que vous d accepter les idées démocratiques car, historiquement, nous avons connu une justice sociale et une choura et nous n'avons pas subi la tyrannie et le pouvoir de l'église". Il y eut, certes, des expériences historiques de centralisation hors de la sphère occidentale. Les exemples de la Chine et de l'Egypte viennent tout de suite à l'esprit. Mais c'est l'Occident qui a poussé la centralisation à ses limites extrêmes dont l'expression achevée est le stalag et le goulag. Dans son livre Surveiller et punir, Foucault le démontre magistralement.


- Cependant il est connu que toute révolution ou toute société a besoin, au cours des premières étapes des mutations sociales, de recourir d la centralisation, au moins dans la planification. Comment concilier cette nécessité et l'idée d'autogestion et de choura ?

Vous me dites : planification. Je refuse la planification des "gros-plans" décrétés par les organismes spécialisés comme c'est le cas, par exemple, en Union soviétique. Est-il convenable que dans un système fédéral regroupant 250 millions d'individus, ce soit une vingtaine ou une trentaine de personnes qui décident et planifient le sort de toute cette vaste société ?

Itinéraire 205

Je n'appelle plus cela planification. C'est une usurpation de pouvoir ! Je suis contre toute forme de planification qui vienne d'en haut.

Pour qu'elle ait un sens, la planification doit être la volonté des masses, elle doit procéder d'en bas. C'est au niveau du village, du quartier, voire de l'immeuble pour les grandes agglomérations, que les problèmes sont les mieux appréhendés, les mieux compris, et c'est à partir de là que des solutions doivent être trouvées. La synthèse de ces solutions pourra alors servir de base à l'élaboration du plan national. Seule la prise en charge de ces besoins et de cette synthèse justifierait l'existence d'une planification à l'échelle nationale, voire d'un ministère du Plan, tant il est vrai que la planification est, pour toute structure élémentaire, l'expression de ses besoins. Nous refusons la technocratie, la planification des partis à vocation idéologique, celle des présidents-tyrans et des maîtres ; cela fait partie des choses qui ont, elles aussi, été enterrées à Sabra et Chatila.

Nous avons tout de même besoin d'une certaine centralisation. Mais cette centralisation là doit être fondée sur une expression issue de la base et non pas imposée par un homme, président ou gouverneur, par un parti ou des technocrates persuadés qu'ils détiennent la science infuse. Peu importe d'ailleurs, que ceux-ci appartiennent au monde socialiste ou capitaliste.

D'autre part, il nous faut sortir des critères sélectifs de la planification en cours aujourd'hui dans le système mondial, qui se fonde sur le principe de la production pour la production régissant le marché mondial.

Profit pour le profit, consommation pour la consommation, production, planification, développement, sont autant de critères dont nous devons prendre la mesure et appréhender le sens profond.

La planification qui est une question essentiellement technique est intrinsèquement liée au sens que l'on donne au développement. Le développement : voilà un mot piège qui a produit bien des ravages ! D'autres mots similaires comme progrès, production, etc. qui pavent le chemin des économistes de tous bords sont autant de pièges prédateurs dont on a pu largement constater les méfaits sur les pays du tiers monde, au

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cours des trois décennies de développement initiées par les Nations unies en 1960.

Le mot même de développement est lié aux fondements intellectuels qui l'ont conçu et qui sont l'expression même de l'approche mentale occidentale. En fin de parcours, le développement, selon cette conception mentale, est celui du PNB et, plus généralement, la suprématie absolue de ce qui est mathématiquement chiffrable, mesurable, quantifiable. C'est cette approche qui a conduit à instaurer les mathématiques en science des sciences, l'économie les résumant toutes.

"Au coeur même de nos stratégies de développement, nous avertit Richard W. Lombardi dans son livre Le piège bancaire, nous découvrons trop souvent que les sciences sociales sont réduites d un ensemble de lois économiques. Non seulement la science économique inspire le processus de développement, mais, dans bien des cas, elle le détermine. La sociologie, la science politique, l'histoire et même la psychologie et l'anthropologie se trouvent distillées dans nos modèles économiques, lesquels, d leur tour, façonnent l'organisation de nos sociétés."

On le constate, le mot développement qui se réfère donc à toute une épistémologie en est inséparable et en exprime le sens profond. Un long itinéraire intellectuel y a conduit : le rationalisme initié par Descartes, puis repris par Hobbes qui l'étendra à ses travaux de science humaine. L'homme, prétend-il, vit dans un état de nature et d'hostilité. Dans son ouvrage le Léviathan, cet état d'hostilité et la guerre constituent les fondements de l'ordre politique : "Ce sont les hommes et les armes, non les paroles et les promesses qui fônt la force et la puissance des lois." La méthode scientifique de Bacon et de Descartes est ainsi introduite par Hobbes dans l'étude de l'espèce humaine. Pour Hobbes dans la société, "la violence triomphe du dessein" et "chez l'homme, l'instinct prend la place de l'intelligence". Un contre tous et tous contre un, voilà le destin implacable qu'Hobbes dessine pour nous. Il est certain que, d'une façon ou d'une autre, toutes les théories politiques ou économiques se sont nourries à cette source. Y ont puisé des penseurs comme Malthus, Adam Smith, tout comme Ricardo, David Hume ou encore Marx dont la lutte des classes n'est jamais

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qu'un condensé transposé sur le plan social, des idées du Léviathan de Hobbes et de Darwin.

Malthus, dans son Essai sur le principe de la population, prend la précaution de nous avertir à l'avance en disant : "Le principal argument que je vais produire n'est certainement pas nouveau. Les principes sur lesquels il repose ont été expliqués en partie par Hume et, plus d fond par le docteur Adam Smith." En décrivant les problèmes de la rareté et de la misère en Europe, Malthus semble suggérer qu'ils sont le prélude indispensable au progrès

"La famine semble être la dernière ressource de la nature, la plus épouvantable. Le dynamisme de la population est si supérieur qu'a la terre de produire pour l'homme des moyens de substance que la mort prématurée doit, sous une forme ou une autre, s'abattre sur l'espèce humaine."

Selon Malthus, la mort prématurée aiguise l'instinct de survie et de développement de l'espèce. "La nécessité, déclare-t-il, cette loi supérieure et omniprésente de la nature, les garde (les êtres vivants) dans les limites prescrites. Les espèces animales et les espèces végétales se contractent sous cette grande loi restrictive. Et l'espèce humaine ne saurait, quels que soient les efforts de sa raison, y échapper. Dans le monde animal et végétal, ses effets sont divers : perte de semence, maladie et mort prématurée. Dans l'humanité : misère et vice." La malnutrition et la famine qui accablent les sociétés de cette époque sont donc appréhendées comme contrôle et comme facteur de progrès.

"L'ordre sourd du chaos, écrira Ricardo W. Lombardi, en une espèce de coup de pied au cul donné d la nature." Par ailleurs, la théorie de l'avantage comparatif de Ricardo sort tout droit des idées de Malthus. Pour Ricardo, le libre jeu des avantages individuels est source de progrès. On sait aujourd'hui que ce libre jeu, tant prisé par Reagan et autres Rambos, conduit en droite ligne à la logique de la fable de La Fontaine Le loup et l'agneau. C'est la loi du plus fort, la loi de la jungle.

"Je me suis mis d lire les textes de Malthus sur la population par amusement et... j'ai fini par y trouver une théorie sur laquelle travailler" a confié Darwin qui ne fait pas mystère de la filiation de son livre L'origine des espèces et de son concept sur la sélection naturelle. Lorsque Darwin écrit "les dents et les griffes

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de la nature sont rouges de sang" on peut deviner sans peine sa filiation intellectuelle.

Autre maillon de la chaîne : Marx, qui voulait dédier son livre Le Capital à Darwin pour lequel il éprouve une grande admiration. En 1860, il écrivait à son ami Engels : "L'ouvrage de Darwin est extrêmement important et me sert pour ancrer la lutte des classes dans la science naturelle."

L'on pourrait citer bien d'autres exemples pour montrer cette filiation en des eaux profondes qui lient entre eux Hobbes à Malthus, Ricardo, Hume, Adam Smith, Darwin en passant par Spencer, Nietzsche et Marx. II est indispensable de connaître cette filiation pour mieux cerner la signification du mot développement. Si le détour a été un peu long, il était néanmoins nécessaire à notre démonstration.

Le développement conçu dans le Nord, en Europe, est un piège. Il réduit le Sud à la portion congrue. 50 millions de personnes, dont 17 millions d'enfants, en meurent de faim chaque année. Des dettes s'élevant à 1 000 milliards de dollars écrasent les 3/4 de la population de l'hémisphère Sud, insolvables et tenus à bout de bras par des organismes comme le FMI, la Banque mondiale, le GATT, la FAO qui ne sont autres que les forcepts utilisés par le système mondial pour assumer sa suprématie et sa domination.

Que peut-on attendre d'un "développement" qui détruit 17 millions d'hectares de forêts chaque année, qui permet que la désertification corrode les terres du Sud, qui a produit les pluies acides et un virus qui, dit-on, détruit les arbres, ce merveilleux symbole de vie, dans le Nord, alors que le Sida et les maladies de consommation menacent la vie de ceux-là même qui vivent dans le Nord au détriment des hommes du Sud.

Le développement conçu dans le Nord, c'est tout cela et bien d'autres choses encore : le stress, le suicide, les vieillards enfermés dans des asiles, la violence aveugle, les stupéfiants, l'égoïsme, le mal de vivre, la pollution - celle des choses, précédée par celle des esprits et des âmes.

A la question sur la planification, je réponds : que faut-il planifier ? Devons-nous planifier un développement qui produit les effets dévastateurs que je viens de décrire, ou devons-nous tro>>ver autre chose ? Autre chose, c'est-à-dire une autre

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conception du développement, nourrie d'une autre réflexion, d'autres fondements intellectuels. Un développement fondé sur la sobriété et la solidarité, par exemple. C'est bien sûr la seconde hypothèse qui est mienne. Seulement alors nous pourrons parler de planification.


- Si vous le voulez bien, passons maintenant d une deuxième expérience bien particulière dans le monde arabe : l'expérience nassérienne en Egypte, exemple d'application arabe du socialisme. Cette expérience-pilote a réalisé des taux de croissance qui ont permis à l'Egypte, abstraction faite de la terminologie, de réaliser une véritable indépendance économique.

Avant tout, il faut régler un problème de sémantique. L'expression "application arabe du socialisme" mérite que l'on s'y arrête un peu. Lorsqu'on parle de socialisme scientifique, on se réfère à une notion précise : le marxisme. Du point de vue philosophique, on ne peut pas dire que l'expérience nassérienne fut une expérience marxiste. Sur le plan de l'indépendance économique et politique, non seulement de l'Egypte elle-même, mais aussi du monde arabe, voire du monde afro-asiatique, l'impact de l'expérience nassérienne a été important. De même que le fut son influence sur le déroulement des événements dans la mouvance arabe. Cela doit être porté à son crédit, tant il est vrai que son mérite a été immense. Cela est incontestable, elle permit une avancée remarquable et ouvrit une brèche importante dans les murs de la citadelle impérialiste et de l'ordre mondial.

Une analyse correcte de cette grande expérience appelle cependant les remarques suivantes

1) L'expérience s'est malgré tout déroulée au sein même du système mondial. Elle n'a pas rompu avec sa rationalité mercantile et la loi du marché. Or nous avons démontré plus haut qu'une telle entreprise qui conserve des liens avec la loi du marché, du profit et de l'exploitation, est vouée à l'échec. Concrètement, cette expérience a reconduit le primat, si cher à l'Union soviétique, de la création de la base matérielle qui considère que le développement est synonyme de production d'acier.

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2) Ce modèle de développement importé n'était pas l'expression d'un génie propre, mais d'un champ culturel occidental qui ressort des catégories philosophiques et existentielles fondées sur le principe du quantum. Principe devenu la matrice d'une action, d'une lutte éperdue à qui atteindrait et dépasserait l'autre, aboutissant, même si elle emprunte des chemins différents, à la société de. consommation.

En vérité, cela ne concerne pas la seule expérience nassérienne, mais également l'expérience algérienne et presque toutes celles menées dans le tiers monde avant cette période, à l'exception d'une seule.


- Mais on peut faire une autre lecture de l'expérience nassérienne ; Abdel Hussein, par exemple, en a effectué une en partant d'une conception proche de la vôtre, c'est-d-dire selon une approche culturelle indépendante. Ce chercheur a abouti d la conclusion que Abdel Nasser, bien qu'il ait donné le nom d'application arabe du socialisme d son expérience, a fait en réalité une tentative d'indépendance économique et sociale par rapport d l'économie mondiale.

A mon avis, jusqu'à présent, il n'y a eu qu'une seule expérience qui se soit opposée au système mondial, une seule tentative véritablement originale. C'est celle de la Chine populaire qui se présente à l'opposé de celle de la Corée du Nord conçue selon des critères en cours en Union soviétique et ailleurs dans le monde socialiste.

Encore une fois, je dirai que l'expérience de la révolution de juillet 1952 a certes entamé un processus de recouvrement de l'indépendance politique et économique, accompagné d'ailleurs d'un effort remarquable sur le plan culturel et de l'identité, mais ce modèle n'a pas constitué une rupture avec le système mondial et ses lois.

Une seule expérience, celle de la Révolution Culturelle de Chine a tenté de le faire, mais, malheureusement, la lutte pour le pouvoir en a dénaturé le sens et l'a pervertie. Elle a eu le mérite de poser des questions capitales, même si elles restent encore sans réponses satisfaisantes : les problèmes du centre et de la périphérie, de la campagne et de la ville, du tiers monde, du savoir, de la science et de la technologie.

Itinéraire 211

- L'expérience agraire du nassérisme a, je crois, un dénominateur commun avec votre conception de l'autogestion. Le nassérisme a refusé la nationalisation des terres, en raison de sa conception des rapports de l'homme avec la terre. Il a démantelé les grandes et moyennes propriétés pour les transformer, grâce d la loi sur la réforme agraire, en petites propriétés pour les paysans et en coopératives agricoles.

Oui, le nassérisme a mené une action profonde sur le plan de la lutte contre l'exploitation de l'homme par l'homme. Mais l'expérience en Egypte, relativement à la question de la gestion, ne fut pas une expérience autogestionnaire. Par ailleurs, restait l'aspect négatif sur le plan de l'économie, de la monoculture. Le coton est resté la production principale. Il en fut de même en Algérie avec le vin, alors que nous sommes un pays musulman. Pour le Pakistan, c'est le jute, le Sénégal, l'arachide, la Côted'Ivoire, le cacao, la Tanzanie, le sisal, et Cuba, le sucre. Et, on pourrait continuer la liste encore longtemps. Ce système de monoculture, imposé par la domination impérialiste et le colonialisme, doit être aboli dans nos pays car il signifie pour nous, audelà de la dépendance alimentaire qu'il implique, la dépendance politique. Le rôle de toute révolution est de lutter contre cette monoculture.


- Dans l'autogestion, la propriété de la terre est-elle individuelle ? Collective ou coopérative ?

L'autogestion suppose la propriété collective. Il ne faut cependant pas oublier que le sentiment de propriété privée, de possession de la terre, est un sentiment puissant chez les paysans. Une politique agricole qui tendrait, en priorité, à satisfaire les besoins alimentaires essentiels, doit prendre en compte l'aspect important du caractère des paysans. Un système coopératif à divers degrés devra être conçu qui évoluerait, avec l'assentiment des paysans, vers un système autogestionnaire.

L'expérience malheureusement de collectivisation forcée de l'agriculture en Union soviétique et dans les démocraties populaires doit retenir notre attention. Partout ce fut un échec. Ce phénomène obligea les dirigeants de ces pays à procéder à la

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distribution de petits lopins de terre individuels qui, aujourd'hui, assurent environ 40 % de la production agricole.


- La propriété privée n'a-t-elle pas ses propres défauts ? Elle entrave la modernisation et le développement des moyens de production agricole en raison de l'insuffisance des potentialités individuelles.

L'Etat doit intervenir au niveau des prix et faciliter des prêts sans intérêts. Il doit établir des fourchettes empêchant la création de grandes propriétés et pratiquer une politique systématique pour revivifier les campagnes par des réseaux routiers, l'électrification, l'implantation de centres sanitaires et aussi de loisirs.


- La propriété coopérative n'est-elle pas la meilleure formule?

Certes, le système coopératif est, dans un premier stade, la solution la plus appropriée. Mais le système coopératif peut avoir plusieurs niveaux, peu ou très poussés. J'opterai personnellemnt dans un premier stade pour une solution intermédiaire, garantissant l'autosatisfaction alimentaire.


- Maintenant, je voudrais, M. le Président, vous interroger sur les expériences de développement dans les pays dotés d'un parti unique comme l'Algérie, l'Irak et la Tunisie.

C'est un échec généralisé. Y aurait-il d'ailleurs une exception, venant confirmer la règle. Je l'ai dit d'ailleurs et je le répète : le parti unique, c'est le mal unique. C'est le mal par excellence parce qu'il stérilise l'initiative et tue l'étincelle de vie qui est en chacun de nous. Ses résultats, c'est-à-dire ses méfaits, sont identiques, en tous lieux et sous toutes les latitudes, à Moscou, à Hanoï ou à Alger. Il considère toute opinion contraire comme étant attentatoire, la sienne étant la seule vérité absolue. L'Algérie en est un exemple édifiant dont nous pouvons tirer les conclusions suivantes

1) La révolution agraire s'est transformée en opération qui a conduit à la pénurie alimentaire et, pour la majorité des paysans, à la misère. Les longues files d'attente pour le moindre produit alimentaire sont devenues un lamentable spectacle quotidien; les oeufs sont importés d'Israël via l'Espagne qui parfois oublie

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d'effacer l'étoile de David, symbole révélateur de la provenance d'origine. Cela est d'autant plus déplorable que l'Algérie possède des atouts et des potentialités certaines en matière agricole.

2) L'Algérie, tout comme l'Iran du shah, a opté pour une industrialisation très poussée, sauvage diront certains, privilégiant les grands complexes et une technologie sophistiquée. Les thèses développées par l'économiste français Destanne de Bernis, sur l'industrie industrialisante, ont fortement inspiré cette orientation. Alors que sur le terrain le noircissement systématique d'une trame serrée d'industrie fait défaut, les grosses unités font figure de véritables cathédrales industrielles érigées dans un désert. La majorité d'entre elles n'ont jamais été rentables et survivent grâce à la subvention fournie par la manne du pétrole et du gaz. Manne qui "sert à effacer ainsi nos turpitudes" dira, en conclave, le ministre des Finances.

3) La révolution culturelle qui constitue le troisième volet du triptique débouche sur un fiasco. Fiasco prévisible puisqu'elle est incompatible avec les valeurs et le savoir occidental véhiculés par le modèle de développement, lui-même inspiré par l'Occident, et qui sont dispensés dans l'enseignement. Incompatible aussi avec la corruption généralisée de l'administration algérienne. Incompatible avec les flots de whisky et de champagne dont s'abreuvent les dirigeants et hauts fonctionnaires.

L'expérience marxiste du Yémen dans le monde arabe n'infirme en rien ce que nous venons de dire, relativement au problème du parti unique. Par ailleurs, je n'ai aucune crainte pour l'avenir de l'Islam au Yémen. Le marxisme est devenu un cadavre sur son propre terreau, là où il a vu le jour : l'Occident. Ce n'est certes pas en terre d'Islam que ce cadavre pourra être ressuscité.

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  • Comment réussir notre développement indépendant ?



- Après ce tour d'horizon des expériences de développement dans le monde arabe, permettez-moi de revenir aux aspects théoriques du développement.

Pouvons-nous dans le monde arabe, alors que nous sommes éparpillés, instaurer un développement indépendant, que ce soit en Egypte avec son poids démographique ou en Arabie saoudite avec son poids financier ?

Un développement original et indépendant à l'intérieur du système mondial et les lois en régissant le fonctionnement, est une chose impossible. La division du monde arabe en entités réduites accentue cette impossibilité. Le monde arabe a connu deux expériences prometteuses en Egypte et en Algérie ; elles n'ont pourtant pas réussi à résoudre ces problémes. Les conditions de la réussite d'un développement indépendant, selon des critères nouveaux sont:

1. Adopter une approche culturelle, philosophique, différente et une autre conception du développement. Conception non basée sur la toute puissance du quantum, des mathématiques et de l'économie, considérée comme "science des sciences qui les résume toute", mais faisant de l'homme sa préoccupation première, sa référence essentielle dans toute démarche de développement. Il faut refuser la voie qui conduit à la société de consommation. Elle est immorale parce qu'elle permet aux uns, la minorité, de surconsommer au détriment de la majorité décimée par la faim qui fauche chaque année 60 millions de déshérités dont 17 millions d'enfants. Société de consommation qui, sous les fastes de ses cités, cache le revers de la médaille : la pollution qui détruit les forêts, empoisonne les rivières, lacs, mers et océans, et par là, accentue la désertification dans le Sud ; c'est aussi l'angoisse du Sahel, démuni entre les démunis, la

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violence aveugle, l'usage des stupéfiants, l'égoïsme, l'alcoolisme, les suicides, la misère affective etc.

2. Réaliser l'unité pour faire pièce à un monde dominé par les grandes entités politiques, économiques et culturelles. L'unité arabe, orientée vers la constitution d'une unité plus vaste du monde islamique et à des solidarités plus larges avec le tiers monde, est une condition impérative conditionnant tout le reste.

3. Fonder une agriculture pour l'autosatisfaction des besoins alimentaires, assurant une indépendance alimentaire synonyme d'indépendance politique. La fabrication de protéines, nourriture noble entre toutes, à partir du pétrole et du gaz, doit compléter ce volet, au moment où le problème de la faim va dominer les décennies à venir.

4. Oeuvrer pour la création d'une industrialisation, d'abord légère, liée à l'agriculture, permettant essentiellement de satisfaire les besoins nationaux et facilitant ainsi la création d'un marché intérieur. II importe de favoriser aussi le passage rapide de la phase d'industrialisation vers l'informatique et la cybernétique permettant de consolider les constituants culturels.

5. Encourager la recherche scientifique et les choix technologiques au service exclusif de cette orientation.

6. Elaborer un véritable projet de société et de civilisation en favorisant la créativité des intellectuels et des spécialistes dont les disciplines concourent à ce projet.

7. Utiliser à cette intention les fonds arabes et musulmans, considérables, déposés dans les banques occidentales.

8. Créer une monnaie arabe.

9. Réactualiser la notion de choura, pour une participation effective des peuples à cette entreprise capitale.


- Votre approche pour la réalisation d'un développement différent exige une véritable révolution pour changer, non seulement la conception du développement, mais également celle des besoins et des nécessités. Par exemple, peut-on réaliser un développement sans acheter ou fabriquer des voitures, des tracteurs, des vêtements ou tout autre produit nécessaire dont la liste est longue ?

C'est bien là, en effet, un problème important que celui des besoins. D'ailleurs, je doute fort qu'il soit réglé correctement en

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Occident, nourri des idées du Siècle des lumières qui considéraient que les besoins sont illimités. Nous savons aujourd'hui, en raison de la pollution et par bien d'autres signes encore, que c'est là un leurre, un miroir aux alouettes, tout comme l'est la conviction que la science et la technologie pourraient régler le problème des limites physiques de la planète. Le Club de Rome, dans son rapport "Halte à la croissance", a démontré la gravité de tels errements, même si les conclusions qu'il en tire n'emportent pas la conviction.

Les limites physiques de la planète, la pollution, mais aussi des raisons de santé, sinon de morale, imposent une autre conception des besoins. Deux principes élémentaires doivent commander cette nouvelle conception : une certaine sobriété et une véritable solidarité - l'anti-thèse de la charité - avec ceux qui sont encore plus démunis.

Les besoins sont liés à une philosophie de la vie, à des valeurs. La nôtre doit être fondée sur un réel sens de la justice sociale, également sur un rapport de qualité liant l'homme à la nature dont la dégradation et la pollution sont toujours précédées d'une autre dégradation et d'une autre pollution : celle des esprits et des coeurs.

Je me souviens avoir donné un exemple simple et peut-être amusant, pour prouver l'impossibilité pour nous de parvenir à un développement similaire à celui de l'Occident, ainsi que le suggère Rostow avec sa théorie du décollage économique. C'était lors d'une émission de la télévision suisse.

A mes arguments, le présentateur avait rétorqué : refuseriezvous le développement ? Ne devriez-vous pas vous inspirer de ce qui s'est passé en Occident ? A quoi je répondis en substance : "Je ne rejette pas le développement ni le progrès. Je rejette le modèle suivi par le Nord et je refuse de devenir, même si cela était possible, comme vous."

- "Vous devriez cependant suivre la vole des pays développés"
insista-t-il.

- "Je vais vous donner un exemple très simple, répondis-je, qui vous montrera que vous êtes dans l'erreur, et peut-être cela va-til vous faire rire. Prendre votre développement pour exemple, c'est aussi copier votre mode de consommation. En France, pour prendre cet exemple dont j'ai retenu les chiffres, vivent 9

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millions de chiens et 8 millions de chats domestiques. Le budget de leur entretien s'élève d 2 300 milliards d'anciens francs, soit 14 fois celui de la Somalie qui compte plus de 4 millions d'habitants."

"Supposons maintenant que la Chine décide de se développer comme la France, donc de consommer également comme la France, et ceci justifiant cela, pourquoi pas, accueillir dans ses foyers autant de chiens et de chats qu'en ont les Français, c'est-ddire environ le nombre de chiens et de chats français multiplié par vingt : 9 millions de chiens multipliés par 20 et 8 millions de chats multipliés par 20, calculez !.. Supposons encore qu'il prenne envie d l'Inde d'en faire autant - et nous ne parlons ici que de deux pays du tiers monde seulement -, notre planète n'y résisterait pas !"

Ce sont les critères liés aux valeurs qui déterminent un mode de développement, de consommation et donc certains besoins. Dans le Nord de l'hémisphère, un besoin satisfait en appelle dix autres non satisfaits grâce au lavage de cerveau de la publicité et au réflexe de Pavlov qu'elle suscite devant les produits de consommation. Cela conduit, par voie de conséquence, à une situation totalement aberrante : le bétail dans le Nord consomme en céréales l'équivalent de ce que consomment deux milliards de personnes dans le Sud.

Le Sud ravagé par la famine, insolvable et écrasé sous le fardeau des dettes, les maladies tropicales qui accablent un milliard d'êtres humains, la désertification, la tragédie du Sahel, et bien d'autres maux encore, paie un prix exorbitant ce genre de développement dans le Nord et le genre de besoins qui y sont satisfaits.


- Certains pensent que les actions entreprises dans les pays arabes ont compliqué et déformé le problème du sousdéveloppement. Il est difficile d'affirmer si, aujourd'hui, la situation est meilleure qu'il y a cinquante ans. Pour votre part, estimez-vous que ces modèles de développement ont été plus nuisibles qu'utiles ?

Je ne perçois pas la dynamique historique de cette façon. Cette phase d'expériences de développement ratées était un passage obligatoire. Nous devions toucher du doigt ces erreurs pour

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apprécier correctement les difficultés de la tâche. Malgré l'échec de ces expériences, nous n'avons pas régressé et nos chances sont encore préservées. Par exemple, l'instruction, un peu partout dans le monde arabe, a fait un bond en avant, même si son contenu fait problème et même si beaucoup de nos cadres alimentent la fuite des cerveaux. Ensuite, et ce n'est pas peu, notre territoire a été libéré du joug colonialiste. Ce sont des acquis qui nous permettront d'avancer lorsque nous aurons des dirigeants sincères et intègres.


- Le pétrole arabe... comment devons-nous maîtriser ce monstre noir pour l'utiliser selon nos intérêts ?

Toute richesse mal utilisée se transforme en son contraire. Le pétrole et le gaz font partie de cette catégorie. Ils.auraient pu représenter pour nous une bénédiction du ciel. Mais, au contraire, ils sont devenus une malédiction. Il se trouve que le pétrole et le gaz, compte tenu des réserves connues dans le monde, sont situés pour leur plus grande part, dans les sous-sols musulmans. Aux réserves considérables de l'Arabie Saoudite, il faut ajouter celles du Koweit, des Emirats, du Qatar, du Bahrein, de Libye, de l'Algérie, celles maintenant de l'Egypte, de Tunisie, de Syrie, du Yémen du Nord, de l'Iran, de l'Indonésie, du Nigeria, de l'Azerbaïdjan musulman d'Union soviétique et du Sinkiang musulman en Chine.

L'énorme machine de l'Occident ne saurait tourner longtemps sans cette énergie. Pendant encore vingt à trente ans, elle lui sera indispensable. Cette manne peut et doit nous fournir les clés d'un véritable développement. Elle doit nous servir à créer une agriculture assurant une autosatisfaction de nos besoins. Agriculture à laquelle doit être liée l'industrie. Elle doit nous servir encore à former une véritable armée de scientifiques et de techniciens nécessaires à tout développement endogène. La clé de notre salut et de celui d'innombrables autres peuples dans le tiers monde est entre nos mains grâce au pétrole et au gaz. Mal gérée, cette manne du ciel lorsqu'elle sera épuisée nous placera dans une situation semblable à celle de la société de Ma'reb qui a disparu lorsque l'eau du barrage a rompu les digues qui la retenaient et que tout est devenu sec.

Itinéraire 219

1973 a montré la voie qu'il convenait de suivre : refuser de vendre pétrole et gaz si nos intérêts ne sont pas pris en compte et menacer de mettre le feu à nos puits à la moindre tentative d'agression. Pour ce qui est du régime maigre, nous l'avons déjà connu et savons y faire face. Nous tous, nous rappelons qu'il y a quelque vingt ans, à peine, faute de pain, nous mangions, lors de la lutte de libération, de la telghouda, cette farine tirée des racines d'une plante sauvage et qui fend la langue. Nous, nous pouvons retourner, si besoin est, au régime de la telghouda ; l'hémisphère Nord, lui, ne peut pas.


- Ceci aurait pu être il y a dix ans, mais après les réserves et les stocks amassés par les Etats-Unis et d'autres pays, le pétrole n'est-il pas maintenant une arme brisée ?

Nullement. Il est vrai qu'ils ont stocké certaines quantités de pétrole mais cela ne leur donne qu'une couverture de six mois, d'un an ou d'un an et demi au maximum.


- Il y a dix ans, nous vivions probablement dans l'austérité. Mais aujourd'hui je crois que la majorité des sociétés productrices de pétrole seraient incapables de se passer de leurs revenus pétroliers. Ils ont pris l'habitude de vivre dans la prospérité et l'abondance.

Il serait salutaire que cette crise devienne même plus aiguë. La manne du pétrole et du gaz a permis à des dirigeants incapables et corrompus de continuer en toute impunité à gérer le gaspillage. Désormais, cela leur deviendra plus difficile alors que les revenus baissent et que la démographie, elle, est toujours galopante. Cela annonce des bouleversements en perspective qui amèneront le départ des équipes dirigeantes incapables et corrompues. Il faut espérer que de nouvelles et jeunes équipes dirigeantes, plus honnêtes et plus capables, leur succéderont. C'est une question de capacité et de volonté politique.


- Le retour d l'agriculture est-il le résultat d'une nécessité ou bien une dimension éthique comme l'indiquent parfois vos propos sur les valeurs d'une société fondée sur l'agriculture ?

Le retour à l'agriculture se justifie pour deux raisons à la fois. D'abord, parce que l'agriculture est déficitaire partout et que la

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dépendance alimentaire entraîne la dépendance politique. L'Algérie importe environ 80 % de ses besoins alimentaires, en particulier les céréales. Les USA sont le plus grand vendeur de céréales sur le marché mondial et les dirigeants américains ont souvent déclaré que la vente de céréales était soumise à des considérations politiques stratégiques. En d'autres termes et pour parler clairement, il faut être "gentil" si l'on veut manger du pain américain. Or, l'on sait que le problème de la faim va être le problème majeur des décennies à venir et, selon les prévisions de l'ONU, le déficit arabe en céréales va être l'un des plus importants.

En vérité, le problème de la reconstruction d'une agriculture saine et satisfaisant aux besoins essentiels alimentaires domine tous les autres problèmes.

Par ailleurs, l'agriculture est liée au symbole de la terre nourricière. Les êtres qui y vivent et en vivent entretiennent un rapport profond avec la terre. La terre est porteuse de mémoire, d'histoire, de culture.

L'Algérie compte trois régions agricoles différentes, chacune représentant une vocation et un mode de vie particuliers.

1. Le Sahara où les oasis, îlots paradisiaques, surgissent au milieu des immensités dépouillées au moment où l'on s'y attend le moins. Mer de sable ou de rocaille où Dieu semble si proche et l'homme si petit, et où explosent la vie, la verdure, dès qu'une goutte vient la féconder. Le Sahara est plus qu'un paysage ou une géographie, c'est une philosophie qui marque de son empreinte indélébile tous ceux qui un jour ou l'autre y ont foulê le sable.

2. Les hauts plateaux où la steppe est l'espace privilégié des ovins et des chevaux et où la langue arabe est la plus pure, où la poésie fleurit naturellement sur la bouche des bergers. Ailleurs, j'ai eu l'occasion d'écrire que cette"terre est porteuse de mémoire collective, de signes qui sont autant d'ancrages perpétuant cette mémoire". Qui en douterait au rappel de ce que porte en lui, par exemple, l'élevage dans les hauts plateaux, sa symbolique en faisceaux, du cheval, du mouton, de la laine, du tapis multicolore dont la signification des signes remonte à la nuit des temps, des multiples artisanats de selles, de fusils et de poignards incrustés de nacre et d'argent, des vêtements adoubés, tissés de poils dé chameaux, de la poésie qui imprègne toute chose avec la tradition

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du chaâr el-malhoun célébrant la geste populaire et chargée de la puissante odeur de l'armoise.

Poésie multiforme dont la richesse est si intimement liée à ces vastes étendues où le regard se laisse porter jusqu'à l'horizon sans rencontrer d'autre obstacle que l'intense couleur du ciel ; elle est si imprégnée de la densité de leur message qu'elle s'égrène, source intarissable, dans le chant de tous ceux qui y vivent et y méditent.

3. Le Nord, enfin, avec ses montagnes, ses vallons et ses forêts, hauts lieux de résistance à l'envahisseur colonialiste, abritant les soldats de la liberté sous les ramures épaisses et denses ou dans les failles et les grottes chargées de secrets. Le Nord aussi des rivages côtiers où l'odeur des jasmins se mêle à celle des orangers et où la vie est douce et les couleurs riantes.

Le rapport avec la terre est certes important. En disant cela, je ne cède pas à une nostalgie rousseauiste ou à un quelconque penchant simpliste pour la rusticité campagnarde, encore qu'elle garde ses charmes. Cependant la terre, ce qu'elle produit additionné à ce qu'elle symbolise, constitue un rempart, un ancrage solide dans une phase historique comme celle que nous vivons, marquée par la turbulence des bouleversements qui nous assaillent. Ce faisant, nous ne marquons pas un refus de la machine, ni de l'industrie, mais plutôt nous considérons cette démarche comme un préalable.


- En ce qui concerne le problème des industries lourdes et des industries militaires et nucléaires, pensez-vous qu'elles soient des objectifs utiles de développement pour nous et pour l'ensemble des pays du tiers monde ? Ou bien les considérez-vous comme des entreprises destinées d assurer le prestige des Etats ?

L'industrie lourde est nécessaire, à la condition de respecter les étapes intermédiaires qui se traduisent par la création d'une base agricole saine, la mise en place d'une industrie légère, essentiellement au service de cette agriculture et devant couvrir les besoins indispensables tout en favorisant la création d'un marché intérieur. L'industrie lourde se présenterait alors comme un troisième volet d'une action globale.

Mais il convient d'observer une grande prudence relativement aux industries militaires et nucléaires. La défense d'un pays est,

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certes, une impérieuse nécessité, mais la défense la plus efficace est celle qui est assurée, non pas par une armée classique, mais par un peuple en armes. Il faut surtout se garder de l'orientation suivie par l'Occident dont l'industrie lourde est inspirée par le complexe militaro-industriel et qui constitue un facteur de guerre et d'instabilité préjudiciable à la paix dans le monde. Par ailleurs, ce complexe mi litaro-industriel fait supporter aux peuples un lourd fardeau en imposant des dépenses qui auraient pu avoir un meilleur usage dans un monde où le Nord est accablé de maux sociaux et où le Sud crie sa faim. Le complexe militaroindustriel mobilise, d'autre part, plus de la moitié des chercheurs et des savants dans le monde et détourne à son profit plus de 80 % des budgets consacrés à la recherche et au développement, alors que seul 10 % de ces budgets vont à la santé, à l'urbanisme et aux loisirs, qui pourtant représentent la véritable qualité de la vie.


- Je pensais surtout d l'exemple de l7nde qui possède la bombe atomique alors que des gens y meurent de faim et de misère !

La recherche scientifique qui mène à la production d'armes atomiques est dangereuse. La recherche scientifique nous interpelle sur un sujet capital : quelle science voulons-nous ? quelle technologie ? La recherche scientifique et les technologies sont le produit de choix préalables, d'objectifs fixés par référence à des valeurs et qui en déterminent l'orientation et la démarche.

La science conçue en Occident et les technologies qui en sont les fruits sont ancrées sur des fondements intellectuels précis, propres à l'Occident. Ils ont conduit à l'exploitation, à la domination, au colonialisme et à l'impérialisme. r'°tte science et ces technologies sont des instruments mortifères. Elles portent la mort dans leurs flancs.

Il est possible de concevoir une autre science, d'autres technologies à partir d'une autre philosophie de la vie, d'autres valeurs. Nous voulons une science et des technologies plus propres, au service d'un projet de civilisation qui soit au service de l'homme, de tous les hommes.

Quant au problème central d'Israël et de la défense du monde arabe, l'expérience a démontré que ce ne sont point les armées classiques qui peuvent l'assurer le plus efficacement, mais au contraire, une longue lutte populaire. La lutte du peuple arabe du

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Liban doit être méditée et doit servir d'exemple. Israël sera vaincu, c'est une certitude absolue. Le temps et le nombre, alliés à une volonté inébranlable de lutte, sont nos meilleurs atouts. Jour après jour, inlassablement, sans trêve, en frappant là où on ne l'attend pas, la guérilla populaire est, dans ce cas précis, plus efficace que tous les chars d'une armée classique.


- Une dernière question pour clore ce chapitre, on parle beaucoup de l'énergie solaire actuellement. Selon vous, comment peut-on exploiter cette nouvelle énergie pour un développement différent ?

Je m'intéresse de très près au problème de l'énergie solaire, qui je pense est une énergie d'avenir et nous avons la chance, dans nos pays, de l'avoir en profusion. Elle possède de multiples avantages, en particulier ceux d'être une énergie inépuisable et propre, contrairement à l'énergie atomique. Et dans la presqu'île arabique, plus que partout ailleurs. Après l'énergie spirituelle de tous les prophètes qui ont illuminé le monde, après le fleuve de l'or noir qui a fait tourner les machines du monde, voilà que le soleil, toujours immuablement présent, y est un autre don de Dieu.

Cependant, c'est en Occident que l'énergie solaire est le plus utilisée, ainsi qu'en Israël qui est le premier pays dans le monde en matière d'utilisation de l'énergie solaire. Cela indique une voie à suivre et implique que nous devons faire un effort important dans ce domaine.

Je suis en contact avec des chercheurs et des ingénieurs suisses liés à l'université de Lausanne dont le niveau élevé est mondialement reconnu, et qui sont disposés à aider sérieusement les pays arabes pour l'utilisation de l'énergie solaire.

L'utilisation de l'énergie solaire par capteurs solaires pour le chauffage de l'eau et des maisons est déjà fort avancée. L'utilisation de cette énergie pour le dessalement de l'eau de mer, pour l'irrigation est du domaine du possible. La mer, qui couvre plus de 75 % de la planète, représente un fantastique réservoir d'eau pour fertiliser les immenses étendues de nos déserts. Ce pourrait être un tournant décisif pour notre avenir.

Les recherches sur l'utilisation intensive de l'hydrogène sont, par ailleurs, tout aussi prometteuses.

 

 


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