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Le soutien méconnu d’Israël à la guerre de Haftar en Libye

Avec l’aide des Émirats arabes unis, Israël fournit des armes et forme l’Armée nationale libyenne


Par Yossi Melman - Tel Aviv, Israël

Middle East Eye,
21 Avril 2020




Des membres de l’Armée nationale libyenne (ANL), commandée par Khalifa Haftar, se préparent avant de partir de
Benghazi pour appuyer les troupes qui avancent vers Tripoli (Reuters)


Malgré les appels de l’ONU et des organisations humanitaires internationales à suspendre les violences, au moins temporairement pendant la pandémie de coronavirus, la guerre civile libyenne se poursuit comme si de rien n’était.

À la suite d’une attaque lundi 13 avril, l’approvisionnement en eau a été coupé à plus de deux millions de personnes à Tripoli et dans les villes voisines. Aujourd’hui, de féroces batailles font rage à l’ouest de la capitale libyenne.

Le conflit entre les deux principales factions rivales est alimenté par une intervention internationale accrue et un approvisionnement constant en armes, en violation flagrante des sanctions de l’ONU et d’un embargo sur les armes.

D’un côté se trouve le Gouvernement d’union nationale (GNA) basé à Tripoli et reconnu par l’ONU, dirigé par Fayez al-Sarraj, 60 ans, architecte de profession.

Le GNA est principalement soutenu par le Qatar et la Turquie, qui est devenu un important fournisseur d’armes et de mercenaires aux forces de Sarraj.

La Turquie a également envoyé des drones en Libye – certains d’entre eux développés en Turquie sur la base de vieux modèles israéliens, et d’autres fabriqués en Israël, vendus à l’Azerbaïdjan, allié de la Turquie. La Turquie recrute également des centaines de combattants syriens pour les expédier en Libye en tant que mercenaires pour soutenir le GNA.

De l’autre côté se trouvent les forces du général Khalifa Haftar, qui contrôle l’est de la Libye et sa principale ville portuaire, Benghazi. Le sexagénaire commande l’Armée nationale libyenne (ANL).

Titulaire de la nationalité américaine, Haftar était connu pour être très proche de la CIA lors de son exil sous Mouammar Kadhafi. Il n’est pas étonnant alors que Haftar soit soutenu par l’administration du président Donald Trump, qui soutient extérieurement les efforts de paix internationaux mais encourage secrètement les campagnes de Haftar.

Les alliés des États-Unis au Moyen-Orient lui emboîtent le pas. Parmi eux se distinguent l’Égypte et les Émirats arabes unis, et dans une moindre mesure Israël.

Contrer les drones turcs

La connexion israélienne est certes moins connue mais très importante. En fait, le rôle joué par Haftar est le résultat de l’axe créé ces dernières années par l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et Israël.

Cette semaine, la chaîne de télévision Al Araby a rapporté que les Émirats arabes unis avaient financé et fourni à l’ANL des systèmes avancés de défense aérienne fabriqués par une entreprise israélienne et transférés via l’Égypte. Ces systèmes visent à contrer les drones turcs.

Le « dossier » libyen est entre les mains du Mossad qui coordonne ses opérations et ses politiques concernant Haftar avec le gouvernement égyptien du président Abdel Fattah al-Sissi et son chef du renseignement Abbas Kamel.

Entre 2017 et 2019, les émissaires du Mossad ont rencontré Haftar à de nombreuses reprises au Caire et ont facilité la formation de certains de ses principaux officiers 
Entre 2017 et 2019, les émissaires du Mossad ont rencontré Haftar à de nombreuses reprises au Caire et ont facilité la formation de certains de ses principaux officiers dans les tactiques de guerre, la collecte et l’analyse de renseignements, ainsi que les mesures de contrôle et de commandement.

Par ailleurs, le Mossad a également aidé ses forces à acheter du matériel de vision nocturne et des fusils de sniper.

Les liens particuliers entre Haftar et Israël sont une ironie de l’histoire. Il a servi dans l’armée libyenne sous Kadhafi et a pris part au coup d’État qui a porté l’autocrate au pouvoir en 1969.

En 1973, jeune officier, il était membre du contingent libyen qui a aidé l’Égypte pendant la guerre du Kippour. Mais la brigade libyenne et ses pilotes qui étaient stationnés en Égypte n’ont pas pris part aux combats actifs.

Sous Kadhafi, Israël avait un intérêt particulier pour la Libye.

Le dirigeant libyen a financé la lutte palestinienne et accueilli des militants palestiniens, y compris des terroristes du célèbre groupe Abou Nidal.

En réaction, les services de renseignement israéliens et les forces spéciales ont suivi les responsables libyens et traqué son aviation, et ont atterri sur les côtes de ce pays d’Afrique du Nord pour mettre en place des dispositifs d’espionnage et mener des opérations.

Lors d’une opération menée en 1995, une unité de commando naval a tendu une embuscade pour tuer le Dr Fathi Shaqaqi, le dirigeant du Jihad islamique palestinien, mais a reçu l’ordre de se retirer en raison d’un groupe de touristes européens qui campait à proximité dans l’oasis désertique. Quelques mois plus tard, il a été assassiné par des agents du Mossad à Malte.

Israël a également fait preuve d’un grand intérêt pour les intentions et les capacités de Kadhafi à fabriquer des armes biologiques et nucléaires chimiques.

Les agents des renseignements israéliens ont recueilli des données et des informations sur leur développement, mais ils se sont rendu compte rétrospectivement que leurs informations étaient inadéquates. La Libye a développé, avec l’aide du Pakistan, des capacités nucléaires bien plus avancées que ne le soupçonnaient les services de renseignement israéliens.

Finalement, c’est la CIA et le MI6 qui ont secrètement coopéré avec Kadhafi et l’ont convaincu en 2004 d’abandonner ces projets.

Au cours de cette période de dégel des relations avec l’Occident, qui a duré jusqu’à ce qu’il soit tué lors d’un soulèvement soutenu par l’OTAN en 2011, le dirigeant libyen a flirté avec Israël et est à l’origine de quelques gestes politiques.


Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi tient une carte montrant Israël en 1995 (Reuters)


Lui et son fils Saïf al-Islam plaidaient pour la paix entre Israël et la Palestine sur la base d’un seul État, qu’ils avaient baptisé « Isratine ».

À l’aide de juifs libano-italiens célèbres, ils ont envoyé des pèlerins musulmans à Jérusalem et libéré des Israéliens d’origine libyenne qui s’étaient rendus dans leur ancienne patrie et qui étaient accusés à tort d’être des espions.

Même après l’assassinat de Kadhafi par les rebelles, des membres de sa famille ont tenté de tendre la main à Israël pour obtenir de l’aide. Alors que sa fille Aïcha a trouvé refuge à Alger, elle aurait envoyé des messages via des intermédiaires italiens demandant si elle serait autorisée à s’installer en Israël, affirmant que sa grand-mère était juive. Un avocat israélien représentant Aïcha a toutefois nié qu’une telle demande ait été faite.

Maintenant que la guerre civile s’étend, Israël a un intérêt de plus dans le pays. En élargissant sa présence en Libye, la Turquie vise à accroître son influence en Méditerranée et ainsi à perturber les plans israélo-chypriotes de construction de gazoducs vers la Grèce et l’Italie.

Bien que le conflit entraîne de curieuses associations, il faut noter que l’implication et l’influence d’Israël dans les opérations de Haftar en Libye sont mineures. La Russie, qui envoie également des mercenaires et des armes pour aider le général, joue un rôle bien plus grand et plus important.


Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.



"Si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal; nous avons pris leur pays. [...] Ils ne voient qu'une seule chose : nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ?"

- David Ben-Gourion, premier ministre israélien, cité par Nahum Goldmann dans "Le Paradoxe Juif", page 121.


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