Les mythes
fondateurs
de la politique
israélienne
Par Roger
Garaudy
I - Les mythes théologiques
1. Le mythe de la
"promesse" :
terre promise ou terre
conquise ?
<< A ta postérité je donne ce pays, du
fleuve d'Égypte jusqu' au grand fleuve, le fleuve
d'Euphrate.>>
Genèse XV, 18
La lecture intégriste du sionisme politique
* << Si l'on possède le livre de la Bible,
si l'on se considère comme le peuple de la Bible, on devrait
posséder toutes les terres bibliques. >>
Général Moshé Dayan. "Jerusalem Post" 10
août 1967.
* Le 25 février 1994, le Docteur Baruch Goldstein massacre
les Arabes priant dans le tombeau des patriarches .
* Le 4 novembre 1995, Ygal Amir assassine Isaac Rabin,
<< sur l'ordre de DIEU >>, et de son
groupe de "guerriers d'Israël", d'exécuter quiconque
céderait aux Arabes la "terre promise" de "Judée et de
Samarie" (l'actuelle Cisjordanie.)
a) Dans l'exégèse
chrétienne
Albert de Pury, professeur d'Ancien Testament à la
faculté de Théologie protestante de Genève,
résume ainsi sa thèse de doctorat
<< Promesse divine et légende cultuelle dans le
cycle de Jacob >> (2 vol. éd. Gabalda, Paris,
1975), dans laquelle il intègre, discute et prolonge les
recherches des plus grands historiens et exégètes
contemporains notamment : Albrecht Alt et Martin Noth
(voir : "Histoire d'Israël", de M. Noth, traduction
française, chez Payot 1954 ; "Théologie de
l'Ancien Testament", 1971 Ed. Labor et Fides, Genève, par
Von Rad ; le père R. de Vaux : "Histoire ancienne
d'Israël" (2 volumes), Paris 1971.
<< Le thème biblique du don du pays a son
origine dans la "promesse patriarcale", c'est-à-dire dans
cette promesse divine adressée, selon la tradition de la
Genèse, au patriarche Abraham. Les récits de la
Genèse nous rapportent à plusieurs reprises et sous des
formes diverses que Dieu a promis aux patriarches et à leurs
descendants la possession du pays dans lequel ils étaient en
train de s'établir. Prononcée à Sichem (Gn
12/7), à Béthel (Gn 13/14-16 ; 28/13-15 ;
35/11-12) et à Mamré (près d'Hébron, Gn
15/18-21 ; 17/4-8), donc aux sanctuaires principaux de Samarie
et de Judée, cette promesse semble s'appliquer avant tout aux
régions de l'actuelle Cisjordanie.
Les narrateurs bibliques nous présentent l'histoire des
origines d'Israël comme une suite d'époques bien
délimitées. Tous les souvenirs, histoires,
légendes, contes ou poèmes qui leur sont parvenus,
charriés par la tradition orale, ils les insèrent dans
un cadre généalogique et chronologique précis.
Comme en conviennent presque tous les exégètes
modernes, ce schéma historique est largement fictif.
Les travaux d'Albrecht Alt et de Martin Noth ont montré en
particulier que la division en époques successives
(Patriarches - servitude en Égypte - conquête de Canaan)
est artificielle. >>1
Résumant, en accord avec la thèse d'Albert de
Pury, les travaux de l'exégèse contemporaine, Madame
Françoise Smyth, doyenne de la Faculté de
théologie protestante de Paris, écrit :
<< La recherche historique récente a
réduit à l'état de fiction les
représentations classiques d'exode hors d'Égypte, de
conquête de Canaan, d'unité nationale israélite
avant l'exil, de frontières précises ;
l'historiographie biblique ne renseigne pas sur ce qu'elle raconte
mais sur ceux qui l'élaborent : les théologiens
parvenus à une pensée à la fois
monothéiste et ethnocentrique à la fin de l'exil
(VIème siècle avant notre
ère). >>
Source : Françoise Smyth. "Les protestants, la
Bible et Israël depuis 1948". Dans "la Lettre" de novembre 1984,
ndeg. 313 p. 23.
Madame Françoise Smyth-Florentin a fait une mise au point
rigoureuse sur le mythe de la promesse dans le livre <<Les
mythes illégitimes. Essai sur la "terre promise">>.
(Ed. Labor et Fides. Genève 1994.)
Albert de Pury poursuit : << La plupart des
exégètes ont tenu et tiennent la promesse patriarcale
dans son expression classique (cf par exemple Gn 13/14-17 ou Gn
15/18-21) pour une légitimation post eventum
de la conquête israélite de la Palestine ou,
plus concrètement encore, de l'extension de la
souveraineté israélite sous le règne de David.
En d'autres termes, la promesse aurait été introduite
dans les récits patriarcaux afin de faire de cette
<< épopée ancestrale >> un
prélude et une annonce de l'âge d'or davidique et
salomonien.
Nous pouvons maintenant circonscrire sommairement les origines de la
promesse patriarcale :
1. La promesse de la terre, entendue comme une promesse de
sédentarisation, a été adressée en
premier à des groupes de nomades qui étaient soumis au
régime des transhumances et qui aspiraient à se fixer
quelque part dans les régions habitables. Sous cette
forme-là, la promesse a pu faire partie du patrimoine
religieux et narratif de plusieurs groupes tribaux
différents. 1
2. La promesse nomade avait pour objet, non pas la
conquête politique et militaire d'une région ou de tout
un pays, mais la sédentarisation dans un territoire
limité.
3. A l'origine, la promesse patriarcale dont nous parle la
Genèse n'a pas été accordée par
Yahvé (le dieu qui est entré en Palestine avec le
"groupe de l'Exode"), mais par le dieu cananéen El dans une de
ses hypostases locales. Seul le dieu local, possesseur du territoire,
pouvait offrir à des nomades la sédentarisation sur ses
terres.
4. Plus tard, lorsque les clans nomades sédentarisés se
sont regroupés avec d'autres tribus pour former le
<< peuple d'Israël >>, les anciennes
promesses ont pris une nouvelle dimension. La sédentarisation
était un objectif atteint, et la promesse prenait
désormais une portée politique, militaire et
"nationale". Ainsi réinterprétée, la promesse
fut comprise comme la préfiguration de la conquête
définitive de la Palestine, comme l'annonce et la
légitimation de l'empire davidique. >>
Le contenu de la promesse patriarcale
<< Alors que la promesse "nomade", visant la
sédentarisation d'un clan moutonnier, remonte sans doute
à une origine ante eventum, il n'en va pas de même de la
promesse élargie aux dimensions
<< nationales >>. Étant donné que
les tribus << israélites >> ne se sont
unies qu'après leur installation en Palestine, la
réinterprétation de la promesse nomade en une promesse
de souveraineté politique doit avoir été
opérée post eventum. Ainsi, la promesse de Gn 15/18-21,
qui envisage la souveraineté du peuple élu sur toutes
les régions situées << entre le Torrent
d'Égypte (= le wadi `Arish) et le Grand Fleuve, le fleuve
Euphrate >> et sur tous les peuples qui y habitent, est
manifestement un vaticinium ex eventu s'inspirant des
conquêtes davidiques.
Les recherches exégétiques ont permis d'établir
que l'élargissement de la promesse
<< nomade >> en une promesse
<< nationale >> a dû se faire avant la
première mise par écrit des récits
patriarcaux.
Le Yahviste, qui peut être considéré comme le
premier grand narrateur (ou plutôt : éditeur de
récits) de l'Ancien Testament, a vécu à
l'époque de Salomon. Il a été par
conséquent le contemporain et le témoin de ces quelques
décennies où la promesse patriarcale,
réinterprétée à la lumière de
David, semblait s'être réalisée au delà de
toutes les espérances.
Le passage de Gn 12/3b est un des textes-clef pour la
compréhension de l'oeuvre du Yahviste. D'après ce
texte, la bénédiction d'Israël doit avoir pour
corollaire la bénédiction de tous "les clans de la
terre (`adámâh)". Les clans de la terre, ce sont d'abord
toutes les peuplades qui partagent avec Israël la Palestine et
la Transjordanie.
Ainsi nous ne sommes pas en mesure d'affirmer qu'à tel ou tel
moment dans l'histoire Dieu se soit présenté devant un
personnage historique nommé Abraham et qu'il lui ait
conféré les titres légaux de la possession du
pays de Canaan. Du point de vue juridique, nous n'avons entre nos
mains aucun acte de donation signé "Dieu", et nous avons
même de bonnes raisons de penser que la scène de
Gn-12/1-8 ; 13/14-18, par exemple, n'est pas le reflet d'un
événement historique.
Est-il possible, dès lors, d'"actualiser" la promesse
patriarcale ? Si actualiser la promesse signifie s'en servir
comme d'un titre de propriété ou la mettre au service
d'une revendication politique, alors certainement pas.
Nulle politique n'est en droit de revendiquer pour elle-même la
caution de la promesse.
L'on ne saurait se rallier en aucune manière à ceux
d'entre les chrétiens qui considèrent les promesses de
l'Ancien Testament comme une légitimation des revendications
territoriales actuelles de l'État
d'Israël. >>
Source : Tous ces textes sont extraits de la
conférence donnée le 10 février 1975 à
Crêt-Bérard (Suisse) lors d'un colloque sur les
interprétations théologiques du conflit
israélo-arabe, publié dans la revue "Études
théologiques et religieuses" ndeg. 3, 1976 (Montpellier).
b) Dans l'exégèse
prophétique juive
(Conférence du Rabbin Elmer Berger, ancien
Président de la "Ligue pour le judaïsme" aux
États-Unis.)
<< Il est inadmissible pour quiconque de
prétendre que l'implantation actuelle de l'État
d'Israël est l'accomplissement d'une prophétie biblique
et, par conséquent, que toutes les actions accomplies par les
Israéliens pour instaurer leur État et pour le
maintenir sont d'avance ratifiées par DIEU .
La politique actuelle d'Israël a détruit, ou, au moins,
obscurci la signification spirituelle d'Israël.
Je me propose d'examiner deux éléments fondamentaux de
la tradition prophétique .
a - D'abord, lorsque les Prophètes ont
évoqué la restauration de Sion, ce n'était pas
la terre qui avait par elle-même un caractère
sacré. Le critère absolu et indiscutable de la
conception prophétique de la Rédemption, c'était
la restauration de l'Alliance avec DIEU, alors que cette Alliance
avait été rompue par le Roi et par son peuple .
Michée le dit en toute clarté,
<< Ecoutez-donc, chefs de la maison de Jacob, et
dirigeants de la maison d'Israël, vous qui haïssez le bien
et aimez le mal, ... qui bâtissez Sion dans le sang et
Jérusalem dans le crime .. Sion sera labourée comme un
champ, Jérusalem deviendra un monceau de ruines, Et la
montagne du Temple un haut lieu d'idolâtrie . >>
Source : Michée III, 1 - 12.
Sion n'est sainte que si la Loi de DIEU règne sur elle . Et
cela ne signifie pas que toute Loi édictée à
Jérusalem est une Loi sainte .
b - Ce n'est pas seulement la terre qui
dépend de l'observance et de la fidélité
à l'Alliance : le peuple réinstallé
à Sion est tenu aux mêmes exigences de justice, de
droiture, et de fidélité à l'Alliance de DIEU
.
Sion ne pouvait attendre une restauration d'un peuple s'appuyant sur
des traités, des alliances, des rapports militaires de force,
ou d'une hiérarchie militaire cherchant à
établir sa supériorité sur les voisins
d'Israël .
...La tradition prophétique montre clairement que la
sainteté de la terre ne dépend pas de son sol, ni celle
de son peuple, de sa seule présence sur ce territoire.
Seule est sacrée, et digne de Sion, l'Alliance divine qui
s'exprime dans le comportement de son peuple.
Or l'actuel État d'Israël n'a aucun droit à se
réclamer de l'accomplissement du projet divin pour une
ère messianique...
C'est là pure démagogie du sol et du sang.
Ni le peuple ni la terre ne sont sacrés et ne méritent
aucun privilège spirituel du monde.
Le totalitarisme sioniste qui cherche à se soumettre tout le
peuple juif, fût-ce par la violence et la force, en fait un
peuple parmi les autres et comme les autres. >>
Source : Rabbin Elmer Berger : " Prophecy, Zionism
and the state of Israël." Ed. American Jewish alternatives to
zionism. Conférence prononcée à
l'Université de Leiden (Pays-Bas) le 20 mars 1968.
*
Ygal Amir, l'assassin d'Isaac Rabin, n'est ni un voyou ni un fou mais
un pur produit de l'éducation sioniste. Fils de rabbin,
excellent étudiant de l'Université cléricale de
Bar Ilan près de Tel-Aviv, nourri des enseignements des
écoles talmudiques, soldat d'élite dans le Golan, ayant
dans sa bibliothèque la Biographie de Baruch Goldstein (celui
qui assassina, il y a quelques mois, à Hébron, 27
Arabes en prière dans le tombeau des patriarches). Il avait pu
voir, à la télévision officielle
israélienne, le grand reportage sur le groupe "Eyal" (Les
guerriers d'Israël) jurant, sur la tombe du fondateur du
sionisme politique, Théodore Herzl,
d'<< exécuter quiconque céderait aux
Arabes la "terre promise"
de Judée et de Samarie >> (l'actuelle
Cisjordanie).
L'assassinat du Président Rabin, (comme celui que
perpétra Goldstein) s'inscrit dans la stricte logique de la
mythologie des intégristes sionistes : l'ordre de tuer,
dit Ygal Amir << vient de Dieu >>, comme
au temps de Josué.
Source : "Le Monde" (A.F.P.) du 8 novembre 1995.
Ce n'était pas un marginal dans la société
israélienne : le jour du meurtre d'Isaac Rabin, les
colons de Kiryat Arba et d'Hébron dansaient de joie en
récitant des psaumes de David autour du mausolée
érigé à la gloire de Baruch Goldstein.
Source : "El Païs" (Espagne) du 7 novembre 1995. p.
4.
Isaàc Rabin était une cible symbolique, non pas,
comme Bill Clinton l'a prétendu à ses obsèques,
parce qu'il aurait << combattu toute sa vie pour la
paix >> (Commandant les troupes d'occupation au
début de l'"Intifada", c'est lui qui donnait l'ordre de
<< casser les os des bras >> aux enfants
de la terre palestinienne qui n'avaient d'autre arme que les Vieilles
pierres de leur pays se levant avec eux pour défendre la terre
de leurs ancêtres.)
Mais Isaac Rabin, avec réalisme, avait compris (comme les
Américains au Viêt-Nam ou les Français en
Algérie) qu'aucune solution militaire définitive n'est
possible lorsqu' une armée se heurte, non à une autre
armée, mais à tout un Peuple.
Il s'était donc engagé, avec Yasser Arafat, dans la
voie d'un compromis : une autonomie administrative était
octroyée à une partie des territoires dont l'occupation
avait été condamnée par les Nations Unies, tout
en maintenant la protection militaire israélienne des
"colonies" volées aux autochtones et devenues, comme à
Hébron, des séminaires de la haine.
C'était trop déjà pour les intégristes
bénéficiaires de ce colonialisme : ils
créèrent, contre Rabin qu'ils présentaient comme
un "traître", le climat conduisant à l'infamie de son
assassinat.
Isaac Rabin a été victime, après des milliers de
Palestiniens, du mythe de la "terre promise", prétexte
millénaire des colonialismes sanglants.
Cet assassinat fanatique montre, une fois de plus, qu'une paix
véritable entre un État d'Israël en
sécurité dans les frontières fixées par
le partage de 1947, et un État palestinien totalement
indépendant, exige l'élimination radicale du
colonialisme actuel, c'est-à-dire de toutes les colonies qui
constituent, à l'intérieur du futur État
palestinien, d'incessantes sources de provocation et autant de
détonateurs pour des guerres futures.
2. Le mythe du "peuple
élu"
<< Ainsi parle le Seigneur : mon fils premier
né c'est Israël. >>
Exode IV, 22.
La lecture intégriste du sionisme politique
<< Les habitants du monde peuvent être
répartis entre Israël et les autres nations prises en
bloc. Israël est le peuple élu : dogme
capital. >>
Source : Rabbin Cohen, dans son livre : "Le Talmud" (Ed.
Payot. Paris. 1986. p. 104.)
Ce mythe c'est la croyance, sans aucun fondement historique,
selon laquelle le monothéisme serait né avec l'Ancien
Testament. Il ressort au contraire, de la Bible elle-même, que
ses deux principaux rédacteurs : le Yahviste et
l'Élohiste, n'étaient ni l'un ni l'autre des
monothéistes : ils proclamaient seulement la
supériorité du Dieu hébreu sur les autres dieux,
et sa "jalousie" à leur égard (Exode XX, 2-5). Le Dieu
de Moab : Kamosh, est reconnu (Juges XI, 24 et II Rois, 27)
comme "les autres dieux" (I. Samuel XXVII, 19).
La T.O.B[1] souligne en note : << Très
longtemps, en Israël on a cru à l'existence et à
la puissance des dieux étrangers. >> (p. 680
note d)
Ce n'est qu'après l'exil, et notamment chez les
Prophètes, que le monothéisme s'affirmera,
c'est-à-dire que l'on passera des formules comme celles de
l'Exode : << Tu n'auras pas d'autres dieux que
moi. >> (XX, 3) à celle qui ne se contente pas
d'exiger l'obéissance à Yahvé et non aux autres
dieux (comme il est même répété dans le
Deutéronome : << Vous n'irez pas à
la suite d'autres dieux. >> (VI, 14)), mais qui
proclame : << Je suis Dieu, il n'y en a pas
d'autre. >> (Ésaïe XLV, 22). Cette
affirmation indiscutable du monothéisme date de la
deuxième moitié du VIe siècle (entre 550- et
539).
Le monothéisme est en effet le fruit d'un long
mûrissement des grandes cultures du Moyen-Orient, celle de
la Mésopotamie et celle de l'Égypte.
Dès le XIIIe siècle, le Pharaon Akhenaton avait fait
effacer de tous les temples le pluriel du mot "DIEU". Son "Hymne au
soleil" est paraphrasé presque textuellement dans le Psaume
104. La religion babylonienne s'achemine vers le
monothéisme ; évoquant le Dieu Mardouk,
l'historien Albright marque les étapes de cette
transformation : << Quand on a reconnu que de
nombreuses divinités différentes ne sont que les
manifestations d'un seul Dieu... il n'y a qu'un pas à faire
pour parvenir à un certain
monothéisme. >>
Source : Albright. "Les religions dans le Moyen-Orient". p.
159.
Le "Poème babylonien de la Création" (qui date du
XIe siècle avant notre ère) porte témoignage de
ces "derniers pas": << Si les humains sont
divisés quant aux dieux, nous, par tous les noms dont nous
l'aurons nommé, qu'il soit, Lui, notre DIEU. >>
Cette religion a atteint ce degré
d'intériorité où apparaît l'image du Juste
souffrant :
<< Je veux louer le Seigneur de la sagesse...
Mon Dieu m'a abandonné...
Je paradais comme un Seigneur, et je rase les
murs...
Tous les jours je gémis comme une colombe et les
larmes brûlent mes joues.
Et pourtant la prière était pour moi
sagesse,
et le sacrifice ma loi.
Je croyais être au service de DIEU,
mais les desseins divins, au fond des abîmes, qui
peut les comprendre ?
Qui donc, sinon Mardouk, est le maître de la
résurrection ? Vous dont il modela l'argile originelle,
Chantez la gloire de Mardouk. >>
Source : Op. cit. p. 329 à 341.
Cette image de Job lui est antérieure de plusieurs
siècles. Une image semblable du juste souffrant, celle de
Danel (pas celui de la Bible hébreue) puni par Dieu et
ramené par lui sur la terre, se trouve dans les textes
ougaritiques de Ras Shamra, dans ce qu'on a pu appeler "La Bible
cananéenne" antérieure à celle des
Hébreux puisqu' Ézéchiel cite Danel à
côté de Job (Éz. XIV, 14 et 20).
Ce sont là des paraboles dont la signification
spirituelle ne dépend nullement de la vérification
historique.
C'est, par exemple, le cas de cette merveilleuse parabole de la
résistance à l'oppression et de la libération
qu'est le récit de l'Exode.
Il importe peu, que << le passage de la mer de roseaux
ne puisse être considéré comme un
événement historique >>, écrit
Mircea Eliade[2] et ne concerne pas l'ensemble des Hébreux,
mais quelques groupes de fugitifs. Il est par contre signifiant que
la sortie d'Égypte, dans cette version grandiose, ait
été "mise" en relation avec la
célébration de Pâques... revalorisé et
intégré à l'histoire sainte du Yahvisme. [3]
A partir de 621 avant J.C. la célébration de l'Exode
prend en effet la place d'un rite agraire cananéen de la
Pâques au printemps : la fête de la
résurrection d'Adonis. L'Exode devient ainsi l'acte fondateur
de la renaissance d'un peuple arraché à l'esclavage par
son Dieu.
L'expérience divine de cet arrachement de l'homme à ses
servitudes anciennes se retrouve dans les peuples les plus
divers : la longue errance, au XIIIe siècle, de la tribu
aztèque "mexica" qui après plus d'un siècle
d'épreuves arrive dans la vallée sous la conduite de
son dieu. Il lui ouvre la voie là où nulle route
n'était jusque là tracée. Il en est de
même des voyages initiatiques vers la liberté du
Kaïdara africain. La fixation au sol de tribus nomades ou
errantes est liée chez tous les peuples -- en particulier au
Moyen-Orient -- à la donation de la terre promise par un
Dieu.
Des mythes jalonnent le chemin de l'humanisation et de la
divinisation de l'homme. Celui du Déluge, par lequel Dieu
punit les fautes des hommes et recommence sa création, se
retrouve dans toutes les civilisations depuis le Gilgamesh
mésopotamien jusqu'au Popol Vuh des Mayas (1ère partie,
chap.3).
Les hymnes de louange à Dieu naissent dans toutes les
religions comme les psaumes en l'honneur de Pachamama, la
déesse mère ou du Dieu des Incas,
<< Wiraqocha, racine de l'être,
Dieu toujours proche...
qui crée en disant :
que l'homme soit !
que la femme soit !
Wiraqocha, Seigneur lumineux,
Dieu qui fait être et qui fait mourir...
Toi qui renouvelles la création
Garde ta créature
de longs jours
pour qu'elle puisse
se parfaire...
marchant sur la route droite. >>
Si un préjugé ethnocentrique n'y faisait obstacle,
pourquoi, sur ces textes sacrés, qui sont, pour chaque peuple,
leur "Ancien Testament", ne déploierait-on pas une
réflexion théologique sur les moments de la
découverte du sens de la vie ?
Alors seulement, le message de la vie et des paroles de Jésus
atteindraient la véritable universalité : il
serait enraciné dans toutes les expériences
vécues du divin et non pas étriqué et même
étouffé par une tradition unilatérale. La vie
propre de Jésus, sa vision radicalement nouvelle du Royaume de
Dieu, non plus portée par la puissance des grands, mais par
l'espérance des pauvres, ne serait plus gommée au
profit d'un schéma historique allant seulement des promesses
de victoire faites à un peuple jusqu'à leur
accomplissement.
Nous n'avons évoqué ici, dans leur
antériorité, que les religions du Proche-Orient, au
sein desquelles a germé le monothéisme et parmi
lesquelles se sont formés les Hébreux.
Dans d'autres cultures, non-occidentales, la marche au
monothéisme est plus ancienne encore.
Par exemple en Inde dans les Vedas.
<< Les sages donnent à l'Être Unique plus
d'un nom >> (Hymne du Rig-Veda III, 7).
Vrihaspati << c'est notre Père, qui contient
tous les dieux. >>III, 18
<< Celui qui est notre Père, a engendré
et contient tous les êtres. DIEU unique, il fait les autres
dieux. Tout ce qui existe le reconnaît pour maître...
Vous connaissez CELUI qui a fait toutes choses ; c'est le
même qui est au dedans de vous. >> (CXI,
11).
<< Ses noms sont multiples mais Il est
UN. >>
Ces textes sacrés, s'échelonnent entre le XVIe et
le VIe siècle avant Jésus-Christ, et le Père
Monchanin (S.J.) dans son effort d'intuition pour les situer à
l'intérieur des Vedas,. les appelait :
<< le poème liturgique
absolu. >>
Source : Jules Monchanin : "Mystique de l'Inde,
mystère chrétien". p. 231-229.
3. Le mythe de
Josué :
la purification ethnique
<< Josué, et tout Israël avec lui, passa de
Lakish à Hébron. Yahvé livra Lakish aux mains
d'Israël. Ils s'en emparèrent et la passèrent au
tranchant de l'épée au point de ne lui laisser aucun
survivant...Josué, et tout Israël avec lui, monta de
Eglôn à Hébron >>.
Livre de Josué X, 34)
La lecture intégriste du sionisme politique
Le 9 avril 1948, Menahem Beghin, avec ses troupes de
l'Irgoun, massacre les 254 habitants du village de
Deir Yassin, hommes, femmes et enfants.
Nous n'étudierons ce passage de la fossilisation du mythe en
histoire et des prétentions de ce "bricolage historique"
à la justification d'une politique que dans un cas
particulier : celui de l'instrumentalisation des récits
bibliques, parce qu'ils n'ont cessé de jouer un rôle
déterminant dans le devenir de l'Occident en couvrant ses
entreprises les plus sanglantes, depuis la persécution des
Juifs par les Romains, puis par les chrétiens, jusqu'aux
Croisades, aux Inquisitions, aux Saintes-alliances, aux dominations
coloniales exercées par les "peuples élus", jusqu'aux
exactions de l'État d'Israël, non pas seulement par sa
politique d'expansion au Moyen-Orient, mais par les pressions de ses
lobbies, dont le plus puissant, dans la "puissance la plus puissante"
des États-Unis joue un rôle de premier plan dans la
politique américaine de domination mondiale et d'agression
militaire.
Telle est la raison de notre choix : l'exploitation d'un
passé mythique oriente l'avenir vers ce qui pourrait
être un suicide planétaire.
*
La Bible contient, au-delà du récit des massacres
ordonnés par un "Dieu des armées", le grand
prophétisme d'Amos, d'Ézéchiel, d'Isaïe, et
de Job, jusqu'à l'annonciation d'une "nouvelle alliance" avec
Daniel.
Cette "nouvelle alliance" (ce "Nouveau Testament") marquera, à
la fois, la plus grande mutation dans l'histoire des hommes et des
dieux, avec la levée de Jésus, en laquelle, comme le
disent les Pères de l'Église d'Orient :
<< Dieu s'est fait homme pour que l'homme puisse
devenir Dieu >>. Puis ce fut le retour, avec Saint
Paul, à la vision traditionnelle du Dieu souverain et tout
puissant, dirigeant de l'extérieur et d'en haut la vie des
hommes et des communautés, non plus par la "loi" juive, mais
par une "grâce" chrétienne qui aurait la même
extériorité détruisant la responsabilité
de l'homme. <<C'est par la grâce que vous êtes
sauvés. Vous n'y êtes pour rien. C'est le don de
Dieu. >> (Éphésiens, II, 8)
Nous ne traiterons pas de la Bible en général, mais
seulement de la partie dont prétendent s'inspirer aujourd'hui
le régime théocratique israélien et le mouvement
sioniste : la Thora (que les chrétiens appellent le
Pentateuque, c'est-à-dire les cinq livres initiaux : "la
Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le
Deutéronome") et ses annexes dites "historiques", les livres
de Josué, des Juges, des Rois et de Samuel. De la Thora juive
ne fait pas partie la grandiose critique prophétique
rappelant constamment que "l'alliance de Dieu avec les hommes",
est conditionnelle et universelle, liée à l'observance
de la loi divine et s'ouvre à tous les peuples et à
tous les hommes.
*
La Thora (le Pentateuque) et les livres "historiques" (comme depuis
plus d'un siècle les exégètes, l'ont
prouvé), sont une compilation écrite de traditions
orales qui ont été faites par des chroniqueurs du IXe
siècle, et par des scribes de Salomon ayant pour
préoccupation centrale de légitimer (en les amplifiant)
les conquêtes de David et de son empire (dont il n'existe
d'ailleurs aucune possibilité de recoupement historique, ni
par des traces archéologiques, ni par des documents autres que
les récits bibliques. Le premier événement
confirmé par des histoires extérieures, concerne
Salomon dont on trouve des traces dans les archives assyriennes).
Jusque là, il n'y a aucune source extérieure aux
récits de la Bible pour en contrôler
l'historicité.
Par exemple, les vestiges archéologiques d'Ur, en Iraq, ne
nous donnent pas plus d'informations sur Abraham, que les excavations
sur les ruines de Troie ne nous informent sur Hector ou Priam.
Au livre des "Nombres" (XXXI, 7-18) l'on nous raconte les exploits
des "fils d'Israël" qui, vainqueurs des Madianites,
<< comme le seigneur l'avait ordonné à
Moïse, tuèrent tous les hommes >>,
<< firent prisonnières les
femmes >>, << incendièrent toutes
les villes >>. Lorsqu'ils retournèrent vers
Moïse, << Moïse se fâcha. Quoi, leur
dit-il, vous avez laissé la vie à toutes les
femmes... ! Eh bien, maintenant, tuez tous les garçons et
tuez toutes les femmes qui ont connu un homme dans l'étreinte
conjugale... Mais toutes les vierges... gardez-les pour
vous. >> (14-18).
Le successeur de Moïse, Josué, poursuivit, lors de la
conquête de Canaan, de manière systématique,
cette politique de "purification ethnique" commandée par le
Dieu des armées.
<< En ce jour-là, Josué s'empara de
Maqqeda et la passa, ainsi que son roi, au tranchant de
l'épée : il les voua à l'interdit, eux et
toutes les personnes qui s'y trouvaient ; il ne laissa pas un
survivant et il traita le roi de Maqqeda comme il avait traité
le roi de Jéricho.
Josué et tout Israël avec lui, passa de Maqqeda à
Livna et il engagea le combat avec Livna. Le Seigneur la livra aussi,
avec son roi, aux mains d'Israël, qui la passa au tranchant de
l'épée avec toutes les personnes qui s'y
trouvaient ; il ne lui laissa pas de survivant et il a
traité son roi comme il avait traité le roi de
Jéricho.
Josué, et tout Israël avec lui, passa de Livna à
Lakish ; il l'assiégea et lui fit la guerre. Le Seigneur
livra Lakish aux mains d'Israël qui s'en empara le second jour,
la passa au tranchant de l'épée avec toutes les
personnes qui s'y trouvaient, tout comme il avait traité
Livna. Alors Horam, roi de Guezer, monta secourir Lakish. Mais
Josué le frappa ainsi que son peuple au point de ne lui
laisser aucun survivant.
Josué, et tout Israël avec lui, passa de Lakish à
Eglôn ; ils l'assiégèrent et lui firent la
guerre. Ils s'en emparèrent ce jour-là et la
passèrent au tranchant de l'épée. Toutes les
personnes qui s'y trouvaient, il les voua à l'interdit en ce
jour-là, tout comme il avait traité Lakish.
Josué, et tout Israël avec lui, monta de Eglôn
à Hébron. >>
Source : Livre de Josué. X, 34 à X, 36.
Et la litanie continue énumérant les
"exterminations sacrées" perpétrées en
Cisjordanie.
Nous devons, devant ces récits, poser deux questions
fondamentales :
1. Celle de leur vérité historique;
2. Celle des conséquences d'une imitation littérale de
cette exaltation d'une politique d'extermination.
a) Sur le premier point
Nous nous heurtons ici à l'archéologie. Les
fouilles paraissent avoir démontré que les
Israélites arrivant à la fin du XIIIe siècle av.
J.C. n'ont pas pu prendre Jéricho parce que Jéricho
était alors inhabitée. La ville du Moyen Bronze a
été détruite vers 1550 et a été
ensuite abandonnée. Au XIVe siècle elle a
été pauvrement réoccupée : on a
trouvé de la poterie de cette époque dans des tombes du
Moyen Bronze qui ont été réutilisées, et
une maison où se trouvait une cruchette du milieu du XIVe
siècle. Rien ne peut être attribué au XIIIe
siècle. Il n'y a pas de traces de fortifications du
Récent Bronze. La conclusion de Miss K.M. Kenyon est qu'il est
impossible d'associer une destruction de Jéricho avec une
entrée des Israélites à la fin du Xllle
siècle av. J.C.
Source : Cf. K.M. Kenyon, Digging up Jericho, London,
1957, p. 256-265 ; Jericho, dans Archaeology and Old
Testament Study, éd. D. Winton, Oxford, 1967, spéc.
p. 272-274 ; H.J. Franken, Tell es-Sultan and Old Testament
Jericho, dans OTS, 14 (1965), p. 189-200. M. Weippert,
Die Landnahme der israelitischen Stämme, p. 54-55.
Il en est de même pour la "prise d'Aï"
<< De tous les récits de la conquête,
celui-ci est le plus détaillé ; il ne comporte
aucun élément miraculeux et apparaît comme le
plus vraisemblable. Il est malheureusement démenti par
l'archéologie.
Le site a été fouillé par deux
expéditions différentes. Les résultats sont
concordants : Et-Tell était à l'Ancien Bronze une
grande ville dont nous ignorons le nom et qui a été
détruite au cours de l'Ancien Bronze III, vers 2400 av. J.C.
Elle est restée déserte jusqu'après 1200,
où un pauvre village non fortifié s'est installé
sur une partie des ruines. Celui-ci n'a subsisté que jusqu'au
début du Xe siècle av. J.C. au plus tard ;
après quoi le site a été définitivement
abandonné. Au moment de l'arrivée des
Israélites, il n'y avait pas de ville à `Ay, il n'y
avait pas de roi de `Ay, il y avait une ruine vieille de 1200
ans. >>
Source Père de Vaux (O.P.) : "Histoire ancienne
d'Israël". Ed. Lecoffre et Gabalda. Paris 1971 T I, p. 565.
Voir : en 1933-35 par Judith Marquet-Krause, Les fouilles de `Ay
(Et-Tell), Paris, 1949, Puis par J.A. Callawy à partir de
1964, Cf. J.A. Callaway, Basor 178 (apr. 1965), p. I3-40 ; RB,
72 (1965), p. 409-415 ; K. Schoonover, RB 75 (1968), p.
243-247 ; 76 (1969), p.423-426 ; J.A. Callaway, Basor, 196
(dec. 1969), p.2-16.
b) Sur le deuxième point.
Pourquoi, dès lors, un Juif pieux et intégriste
(c'est-à-dire s'en tenant à la lecture littérale
de la Bible) ne suivrait pas l'exemple de personnages aussi
prestigieux que Moïse ou Josué ?
N'est-il pas dit dans les Nombres, lorsque commence la conquête
de la Palestine (Canaan) : << Le Seigneur lui
livra les Cananéens. Israël les livra à
l'interdit, eux et leurs villes >> (Nombres XXI, 3),
puis concernant les Amorites et leur roi : << Ils
le battirent, lui et ses fils et tout son peuple, au point qu'il n'en
resta aucun survivant ; et ils s'emparèrent de son
pays. >> (Nombres XXI, 35).
Le Deutéronome répète, n'exigeant pas seulement
la spoliation de la terre et l'expulsion des autochtones, mais le
massacre : << Lorsque le Seigneur, ton Dieu t'aura
fait entrer dans le pays... et qu'il aura chassé devant toi
les nations nombreuses... tu les voueras totalement à
l'interdit. >> (VII, 1-2) << et tu les
supprimeras >> (Dt. VII, 24).
De Sharon au Rabbin Meïr Kahane, c'est la préfiguration
de la manière dont les sionistes se comportent à
l'égard des Palestiniens.
La voie de Josué n'était-elle pas celle de Menahem
Beghin, lorsque, le 9 avril 1948, les 254 habitants du village de
Deir Yassin, hommes, femmes, et enfants étaient
massacrés par ses troupes de "l'Irgoun", pour faire
fuir par la terreur les Arabes désarmés ?
Source : Menahem Beghin : "La révolte :
Histoire de l'Irgoun (p. 200). Éditions Albatros, 1978.
Il appelait les Juifs << non seulement à
repousser les Arabes mais à s'emparer de toute la
Palestine. >>
La voie de Josué n'était-elle pas celle que
désignait Moshé Dayan : << Si l'on
possède la Bible et si l'on se considère comme le
peuple de la Bible, on devrait aussi posséder les terres de la
Bible. >>
Source : "Jerusalem Post", 10 août 1977.
La voie de Josué n'était-elle pas celle que
définissait Yoram Ben Porath dans le grand journal
israélien Yediot Aharonoth, le 14 juillet 1972 :
<< Il n'y a pas de sionisme, de colonisation
d'État juif, sans l'éviction des Arabes et
l'expropriation de leurs terres >>
Quant aux moyens de cette dépossession des terres ils
étaient fixés par Rabin lorsqu'il était
Général en chef dans les territoires
occupés : casser les os des jeteurs de pierres de
l'Intifada.
Quelle est la réaction des écoles talmudiques
d'Israël ? Pousser au pouvoir l'un des responsables des
plus direct de Sabra et Chatila : le Général
Rafael Eytan qui demande le << renforcement des
colonies juives existantes>>.
Animé par les mêmes certitudes, le Docteur Baruch
Goldstein, colon d'origine américaine, de Kiryat Arba
(Cisjordanie) fait plus de cinquante victimes en mitraillant
des Palestiniens en prière dans le Tombeau des patriarches.
Membre d'un groupe intégriste fondé sous le parrainage
d'Ariel Sharon (sous la protection de qui, furent
perpétrés les massacres de Sabra et de Chatila, et qui
fut récompensé de son crime par une promotion :
Ministre du Logement, chargé de développer les
"colonies" dans les territoires occupés), Baruch Goldstein est
aujourd'hui l'objet d'un véritable culte de la part des
intégristes qui viennent fleurir et baiser sa tombe, car il
fut rigoureusement fidèle à la tradition de
Josué exterminant tous les peuples de Canaan pour s'emparer de
leurs terres.
*
Cette "purification ethnique" devenue systématique dans
l'État d'Israël d'aujourd'hui, découle du principe
de la pureté ethnique empêchant le mélange du
sang juif avec le "sang impur" de tous les autres.
Dans les lignes qui suivent l'ordre de Dieu d'exterminer les
populations qu'il leur livre, le Seigneur recommande à
Moïse que son peuple n'épouse pas les filles de ces
peuples (Exode, XXXIV, 16).
Dans le Deutéronome : le peuple "élu" (Deut. VII,
6) ne doit pas se mélanger aux autres :
<< Tu ne donneras pas ta fille à leur fils et tu
ne prendras pas leur fille pour ton fils. >> (Deut.
VII, 3).
Cet "apartheid" est la seule manière d'empêcher la
souillure de la race choisie par Dieu, la foi qui le lie à
lui.
Cette séparation de l'Autre est restée la loi :
dans son livre sur "le Talmud" (Paris, Payot, 1986, p. 104), le
Rabbin Cohen écrit : << les habitants du
monde peuvent être répartis entre Israël et les
autres nations prises en bloc. Israël est le peuple
élu : dogme capital. >>
Au retour de l'exil, Esdras et Néhémie veillent au
rétablissement de cet "apartheid":
Esdras pleure parce que << la race sainte (sic) s'est
mêlée avec les peuples des pays >> (Esd.
9, 2)... Pinhas empale un couple mixte... Esdras ordonne la
sélection raciale et l'exclusion : <<tous ceux
qui avaient pris des femmes étrangères, ils les
renvoyèrent, femmes et enfants >> (Esd. 10,
44). Néhémie dit des Juifs : << je
les purifiais de tout élément
étranger >> (Néh. 13, 30).
Cette mixophobie et ce refus de l'Autre excèdent la dimension
raciale. Si l'on refuse le sang de l'autre par le mariage mixte, on
refuse aussi sa religion, sa culture ou sa manière
d'être.
Ainsi Yahvé fulmine après ceux qui s'écartent de
sa vérité, la seule qui soit, bien sûr :
Sophonie lutte contre les modes vestimentaires
étrangères ; Néhémie contre les
langues étrangères : << Je vis des
Juifs qui avaient épousé des femmes achdonites,
amonites, moabites ; la moitié de leurs fils parlait
l'achdonien ou la langue de tel ou tel peuple, mais ne savait pas
parler le judien. Je leur fis des reproches et je les maudis ;
je frappais quelques uns d'entre eux, je leur arrachais les
cheveux... >> (Néh. 13, 23 - 25)
Les contrevenants sont tous durement jugés. Rebecca, femme
d'Isaac et mère de Jacob, affirme : << Je
suis dégoûtée de la vie à cause des filles
de Het (les femmes Hittites). Si Jacob prend une femme comme
celle-là, d'entre les filles de Het, que m'importe la
vie ? >> (Gn 27, 46) ou les parents de Samson
qui, excédés par le mariage de leur fils avec une
Philistine, s'écrient : << n' y a-t-il pas
de femmes parmi les filles de tes frères et dans tout ton
peuple, pour que tu ailles prendre femme chez les Philistins, ces
incirconcis ? >> (Jug. 14, 3).
Le littéralisme conduit aux mêmes massacres que
Josué.
<< Les colons puritains d'Amérique, dans leur
chasse à l'Indien pour s'emparer de leurs terres, invoquaient
Josué et les "exterminations sacrées" des
Amalécites et des Philistins. >>
Source : Thomas Nelson, "The puritans of Massachusets",
Judaism, Vol XVI, ndeg. 2 1967.
Haïm Cohen, qui fut Juge à la Cour Suprême
d'Israël, constate: <<l'amère ironie du sort a
voulu que les mêmes thèses biologiques et racistes
propagées par les nazis et qui ont inspiré les
infâmantes lois de Nuremberg, servent de base à la
définition de la judaïcité au sein de
l'État d'Israël >> (voir Joseph Badi
"Fundamental Laws of the State of Israel". New York, 1960, p.
156).
En effet au procès des criminels de guerre de Nuremberg, au
cours de l'interrogatoire du "théoricien" de la race, Julius
Streicher, la question est posée :
<< En 1935 au Congrès du Parti à
Nuremberg les <<lois raciales >> ont
été promulguées. Lors de la préparation
de ce projet de loi, avez-vous été appelé en
consultation et avez-vous participé d'une façon
quelconque à l'élaboration de ces lois ?
Accusé Streicher : - Oui, je crois y avoir
participé en ce sens que, depuis des années,
j'écrivais qu'il fallait empêcher à l'avenir tout
mélange de sang allemand et de sang juif. J'ai écrit
des articles dans ce sens, et j'ai toujours
répété que nous devions prendre la race juive,
ou le peuple juif, pour modèle. J'ai toujours
répété dans mes articles que les Juifs devaient
être considérés comme un modèle par les
autres races, car ils se sont donné une loi raciale, la loi de
Moïse, qui dit :
<< Si vous allez dans un pays étranger, vous ne
devez pas prendre de femmes étrangères. >>
Et ceci, Messieurs, est d'une importance considérable pour
juger les lois de Nuremberg. Ce sont ces lois juives qui ont
été prises pour modèle. Quand, des
siècles plus tard, le législateur juif Esdras constata
que, malgré cela, beaucoup de Juifs avaient
épousé des femmes non juives, ces unions furent
rompues. Ce fut l'origine de la juiverie qui, grâce à
ses lois raciales, a subsisté pendant des siècles,
tandis que toutes les autres races, et toutes les autres
civilisations, ont été
anéanties. >>
Source : Procès des grands criminels de guerre
devant le Tribunal militaire international (Nuremberg : 14
novembre 1945 - 1er octobre 1946. Texte officiel en langue
française. Débats du 26 avril 1946, Tome XII. D.
321)
C'est en effet ainsi que les juristes, conseillers du
Ministère de l'Intérieur nazi, avaient
élaboré les << Lois de Nuremberg, du
droit de la population du Reich et de la protection du sang allemand
et de l'honneur allemand >>. Ces juristes conseillers,
Bernard Losener et Friedrich Knost, commentent ainsi le texte, dans
le recueil : "Les lois de Nuremberg":
<< Selon la volonté du Führer, les lois de
Nuremberg n'impliquent pas vraiment des mesures propres à
accentuer la haine raciale et à la perpétuer ; au
contraire, de telles mesures signifient le début d'une
accalmie dans les relations entre le peuple juif et le peuple
allemand.
Si les Juifs avaient déjà leur propre État, dans
lequel ils se sentiraient chez eux, la question juive pourrait
être considérée comme résolue, tant pour
les Juifs que pour les Allemands. C'est pour cette raison que les
sionistes les plus convaincus n'ont pas élevé la
moindre opposition contre l'esprit des lois de
Nuremberg.>>
Ce racisme, modèle de tous les autres racismes, est une
idéologie de domination de différents peuples.
Entre la shoah cananéenne et la mixophobie s'insère
actuellement l'idéologie du " transfert " de populations que
soutiennent 77 % des rabbins de Judée - Samarie. Que cette
doctrine de l'exclusion extermination, ait des fondements en partie
religieux (c'est DIEU qui l'impose) ne dédouane en rien le
judaïsme du refus de l'Autre. DIEU dans le Lévitique
enjoint aux juifs de ne pas pratiquer le mélange
d'"espèces" (Lev. 19, 19) et leur commande de distinguer le
"pur" de l'impur (Lev. 20, 25) comme lui-même a
distingué Israël des autres peuples (Lev. 20, 24), pour
opérer une discrimination raciale.
<< j'établirai une différence entre mon
peuple et ton peuple >> (Ex. 8, 19).
Ainsi, en 1993, le grand Rabbin Sitruk peut-il dire sans crainte
d'être rappelé à l'ordre par quelque instance que
ce soit :
<< Je voudrais que des jeunes gens juifs
n'épousent jamais que des jeunes filles
juives. >>
Cette phobie trouve son point culminant lorsqu'il s'agit
d'Israël. Ainsi Israël " qui sera saint " (Lev. 20, 26) ne
doit pas se "souiller " (Esd. 9, 11) au contact des autres nations
que DIEU a pris " en dégoût" (Lev. 20, 23).
L'interdiction est maintes et maintes fois
répétée.
<< Tu ne t'allieras point par mariage avec elles (les
nations cananéennes) ; tu ne donneras pas ta fille
à leur fils, tu ne prendras pas leur fille pour ton
fils... >> (Deut. 7, 3-4) << Si vous
vous attachez à ce qui reste de ces nations qui sont
demeurées avec vous, si vous vous alliez par mariage avec
elles, si vous pénétrez chez elles et qu'elles
pénètrent chez vous, sachez le bien : YAHVE, votre
DIEU, ne continuera pas à déposséder ces nations
de devant vous. Elles deviendront pour vous un filet et un
piège, un fouet sur vos flancs et des aiguilles dans vos yeux,
jusqu'à ce que vous disparaissiez de dessus ce bon sol que
vous a donné YAHVE, votre DIEU >> (Jos. 23, 12
- 23, 13).
Le 10 novembre 1975, en séance plénière,
l'O.N.U. a considéré que le sionisme était
une forme de racisme et de discrimination raciale.
Depuis l'éclatement de L'U.R.S.S., les États-Unis
ont fait main basse sur l'O.N.U. et, parmi bien d'autres actes de
banditisme international, ont obtenu le 16 décembre 1991,
l'abrogation de la juste résolution de 1975, lavant ainsi une
nouvelle fois le sang qui recouvre Israël et ses dirigeants. Or,
dans les faits, rien n'a changé depuis 1975, ou plutôt
si : la répression, le génocide lent du peuple
palestinien, la colonisation, ont pris une ampleur sans
précédent.
Continuer au chapitre suivant du livre de R. Garaudy
"Les mythes fondateurs de la
politique israélienne"
Les mythes
fondateurs
de la politique
israélienne
Par Roger
Garaudy
Introduction
I - Les mythes
théologiques
II - Les mythes du
XXè siècle
III - L'utilisation
politique du mythe
Conclusion
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