(Dans Le Monde du 5 Mars 2005):
La section disciplinaire de l'université Lyon-III
exclut Bruno Gollnisch
pour cinq ans
LE MONDE | 05.03.05
Le bras droit de Jean-Marie Le Pen, âgé de 55 ans,
a qualifié la décision d'"illégale et injuste".
Lyon du correspondante du journal LE MONDE
Bruno Gollnisch n'est plus professeur de droit international et de civilisation japonaise à Lyon-III. Le délégué général du Front national a été suspendu, jeudi 3 mars, pour une durée de cinq ans par la section disciplinaire de cette université, et son traitement a été diminué de moitié. Cette sanction intervient après quatre mois d'une procédure cahotante, mais elle est importante : c'est la première fois, dans l'histoire de l'université française, qu'un enseignant soupçonné de propos négationnistes écope d'une sanction aussi lourde.Informé, vendredi, de cette nouvelle par le président de Lyon-III, Guy Lavorel, le successeur désigné de Jean-Marie Le Pen a immédiatement dénoncé "une véritable chasse aux sorcières" et qualifié cette décision "d'illégale et injuste".
Le 1er mars, Bruno Gollnisch avait comparu longuement devant la section disciplinaire pour avoir tenu des propos très ambigus sur la Shoah lors d'une conférence de presse, le 11 octobre 2004 au local du Front national à Lyon.
INDIGNATION GÉNÉRALE
Suivant un ordre du jour préétabli, le député européen avait commenté, à l'époque, le rapport de la commission Rousso chargée d'enquêter sur le négationnisme et l'antisémitisme à Lyon-III. Bruno Gollnisch avait stigmatisé Henri Rousso, "une personnalité juive", puis défendu le travail de révisionnistes notoires comme Henri Roques, Robert Faurisson ou Jean Plantin.
Indiquant qu'il prenait le risque d'être "exclu de l'université", il avait affirmé que "plus aucun historien sérieux n'adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg". Sans remettre en cause ouvertement "le drame concentrationnaire", il avait demandé que les historiens puissent débattre "librement" de cette partie de l'Histoire, "du nombre effectif des victimes" ou encore des "modalités" de leur mort.
Sans nier directement l'existence des chambres à gaz, il avait affirmé : "Quant à savoir la façon dont les gens sont morts, le débat doit avoir lieu."
Ces déclarations avaient soulevé une vague d'indignation en France et en Europe, et le garde des sceaux, Dominique Perben, avait demandé au parquet de Lyon d'ouvrir une enquête préliminaire. Bruno Gollnisch avait tenté de reprendre ses cours mais les associations étudiantes avaient manifesté contre sa présence dans l'université.
Pressé par le recteur de l'académie de Lyon, Alain Morvan, le président de Lyon-III avait fini par interdire à l'enseignant l'accès à l'université, le 3 décembre 2004, jusqu'à la remise du rapport de la section disciplinaire, pour prévenir d'éventuels troubles à l'ordre public.
Le 14 janvier, le Conseil d'Etat avait annulé cet arrêté, estimant que les risques invoqués n'étaient pas suffisants. Le 2 février, Bruno Gollnisch avait donc repris ses cours à la Manufacture des tabacs, accompagné de gardes du corps dans l'amphithéâtre et d'un service d'ordre à proximité, ce qui avait provoqué de sérieuses échauffourées avec les associations étudiantes de lutte contre l'extrême droite.
Le lendemain, François Fillon avait pris la décision de suspendre l'enseignant pour une durée d'un an, "dans l'intérêt du service".
ACCABLÉ PAR LE JUGEMENT
Bruno Gollnisch est apparu accablé par le jugement de ses pairs. L'élu d'extrême droite, qui s'est toujours servi de son statut d'enseignant et de grand spécialiste du Japon pour asseoir sa respectabilité, se trouve mis au ban de l'université. Agé de 55 ans, l'ex-professeur aura atteint l'âge de la retraite au terme de sa sanction.
S'estimant victime de persécution politique et clamant son "innocence", il a accusé Dominique Perben et François Fillon d'avoir promis sa tête au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), dont les deux ministres avaient été les invités à l'occasion de son dîner annuel en Rhône-Alpes.
Le recteur Alain Morvan, véritable aiguillon dans cette affaire, qui avait demandé la révocation du professeur, a salué cette "sanction inespérée qui rompt avec le passé de Lyon-III", un "avertissement", selon lui, pour "tous ceux qui seraient tentés par le révisionnisme ou le négationnisme".
Bruno Gollnisch dispose de deux mois pour faire appel devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). Il pourra ensuite, le cas échéant, former un pourvoi devant le Conseil d'Etat, mais son éventuel recours ne sera pas suspensif.
Sophie Landrin
"Un signal fort" contre le négationnismeL'exclusion de Bruno Gollnisch de l'université Lyon-III est "un signal fort lancé à ceux qui voudraient donner une caution universitaire à une idéologie négationniste et antisémite", ont estimé l'UNEF (Union nationale des étudiants de France), l'UEJF (Union des étudiants juifs de France) et l'association Hippocampe, dans un communiqué commun publié vendredi 4 mars. "Dans le contexte de Lyon-III, nos associations se félicitent de cette décision sans précédent dans l'histoire de l'université française", estiment les organisations, en soulignant que l'université lyonnaise retrouve "les sentiers d'un honneur dont elle s'était trop souvent détournée". Les trois associations avaient demandé la révocation de l'enseignant.
De son côté, le mouvement Hachomer Hatzaïr (association de jeunesse juive) s'est félicité de cette exclusion et a émis le souhait que Bruno Gollnisch soit "judiciairement poursuivi"pour ses déclarations sur les chambres à gaz.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 06.03.05
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Question de principe
Par: Jean-Gabriel COHN-BENDIT
Le prêt-à-penser au tribunal de l'Histoire
Par: Vincent MONTEIL
Jugement de valeur
les violations du droit (textes, jurisprudence et règles de procédure)
dans le jugement de condamnation du Prof Faurisson (8 juillet 1981)
Par: Eric DELCROIX
De l'intolérance
et quelques considérations subjectives sur le nationalisme. Mémoire adressé à mes
amis sur les raisons de mon témoignage lors du procès du professeur Faurisson.
Par: Claude KARNOOUH
Supplique
à MM. les magistratsde la cour d'appel de Paris
Par: Jean-Louis TRISTANI
Jugement
en date du 1er juillet 1981, du tribunal de grande instance de Paris