Anatomie
dune
falsification
de lHistoire
Jürgen
Graf
"LHistoire
comporte des témoignages, des principes et des
méthodes. Il faut se défier des
témoignages, douter des principes et
naccepter que les méthodes."
Gustave
Le Bon, 1918
1.
Introduction
Le rapport Bergier,
commandité par le Conseil fédéral en
date du 19 décembre 1996, fut publié en
décembre 1999 sous le titre La Suisse et les
réfugiés à lépoque du
national-socialisme 1 . Il fallut presque trois ans
à la «Commission Indépendante
dExperts», dirigée par le professeur
Jean-François Bergier, pour accomplir cette
tâche, dont la finalité était connue
demblée: clouer la Suisse au pilori, en tant
quEtat complice de l «Holocauste»,
inculquer ainsi à sa population un sentiment de
culpabilité, créer enfin les conditions
psychologiques en faveur de lacceptation dune
immigration massive et illimitée 2 . Que le
Conseil fédéral nait pas jugé
opportune une étude objective et
pondérée de la politique dasile de la
Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, la composition de
la commission chargée de lélaboration de
ce rapport en témoigne éloquemment. Dans ces
conditions, il y avait tout lieu de craindre que
lorientation des recherches ne soit compatible avec
une démarche véritablement impartiale. Ainsi,
le but de lentreprise était prévisible:
flétrir la Suisse en tant quEtat ayant eu
connaissance de l «Holocauste», et par
là dénoncer sa connivence avec les auteurs de
ce crime. Pourtant, à lire les communiqués de
presse du Conseil fédéral commentant ce cadeau
de Noël empoisonné, il apparaît que nos
autorités nen ont guère
été enchantées. Le contexte
international qui prévalait durant la Mob aurait trop
peu compté dans la rédaction du rapport,
osèrent murmurer à Berne les sept Sages,
quelque peu échaudés 3 . En effet!
Bergier et son équipe ont outrepassé les
limites de la mission qui leur avait été
confiée. Lorientation de leurs
«recherches» a manifestement fait fi des
desiderata de leur commanditaire, et cela dune
manière si effrontée que le Conseil
fédéral lui-même sen est
trouvé embarrassé.
En aucun endroit les auteurs
du rapport ne laissent transparaître la moindre
compréhension pour la situation dramatique dans
laquelle se trouvait une Suisse encerclée par des
puissances hostiles, durant les six années terribles
que dura le conflit. Dans les circonstances dalors, la
tâche décisive qui incombait au Conseil
fédéral comme aux citoyens consistait à
maintenir notre pays hors du conflit et à assurer les
besoins de la population. Ce but a été
atteint. Placé devant le choix de soustraire à
la misère sa propre famille, ou bien une famille qui
lui serait étrangère, Monsieur Bergier,
nen doutons pas, opterait pour la première
solution. Et noublions pas que la législation
en vigueur prescrivait absolument à notre
gouvernement dalors le souci prioritaire de sa propre
population avant celui des étrangers. Les
générations daprès-guerre peuvent
à peine se représenter que, durant ces
années, beaucoup de Suisses souffrirent
réellement de la faim. Je me suis entretenu
dernièrement avec un contemporain de la
génération du service actif, qui me renseigna
sur la période de son école de recrues
effectuée en Valais, en 1942; il avait encore en
mémoire la discipline de fer et les travaux
pénibles quil dut supporter en tant que jeune
soldat apte au service, le plus dur ayant été
la faim persistante, car tous les vivres, y compris le pain
et les pommes de terre, étaient strictement
rationnés pour la troupe. Nous ne prétendons
pas ici quil sagissait dun problème
touchant lensemble du pays; il semble que cette
situation due à un rationnement sévère
ait quand même prévalu dans quelques
régions périphériques, mais surtout
à lintérieur du pays où la
production agricole était régulièrement
réquisitionnée. Une politique des
frontières ouvertes aurait certainement conduit
à une invasion de réfugiés et, dans un
temps très bref, à une catastrophe en
matière dapprovisionnement en nourriture. Qui
cela aurait-il arrangé ?
Malgré la
pénurie qui frappait la population, la Suisse se
montra alors bien plus généreuse envers les
étrangers que dautres pays, comme par exemple
la Suède. Même si sa situation
géographique au milieu de lEurope signifiait
quelle était plus exposée que cet Etat
dEurope du Nord, la Suisse a accueilli, durant la
guerre, quelque 21 000 réfugiés dorigine
juive, alors que la Suède nen a accepté
que 8 000 4 . Dans lensemble, plus de 300 000
étrangers (soldats, réfugiés civils,
enfants accueillis en vacances ou pour des séjours de
convalescence, etc.) ont trouvé, en Suisse, un
accueil durable ou temporaire 5 . On chercherait en
vain, dans le rapport Bergier, un mot de reconnaissance pour
cette oeuvre humanitaire. Par contre, cette reconnaissance
est encore vivante chez ces Juifs qui ont trouvé
refuge dans notre pays. Eux nont pas oublié ce
quils doivent à ce pays. Dans une lettre de
lecteur publiée par la Neue Zürcher
Zeitung, le 18 janvier 2000, Susi Weill, entrée
en Suisse avec ses parents, au mois davril 1943,
déclare:
Mes parents avaient
tenté en vain démigrer en
Amérique, et aujourdhui cest un fait
établi que les représentations
américaines en Europe avaient reçu
lordre décarter de telles demandes.
LAmérique nétait pourtant ni
cernée ni menacée. Je suis vraiment
très reconnaissante à la Suisse de nous
avoir alors accueillis et aussi de mavoir
autorisée à demeurer dans ce pays
après la guerre.
Ces quelques phrases
devraient suffire à moucher ces Bronfman et autres
calomniateurs qui sen prennent à la Suisse!
Mais revenons à la commission Bergier. Ne doutons pas
que les honoraires exigés par nos experts
étaient plutôt juteux. Naturellement, pour
justifier de tels honoraires et autres dépenses, la
commission se devait de présenter un résultat
à la hauteur des attentes placées en elle; le
rapport compte en effet plus de trois cents pages. Mais la
quantité nest pas forcément un
critère de qualité, et une première
lecture montre déjà quune grande partie
du contenu présente manifestement un
intérêt très mince. Ainsi, il faut
à Bergier et consorts pas moins de huit pages (p.
26-34) pour rendre compte du destin de la famille H. Le
père passa les années de la guerre en Suisse,
la mère et la fille vécurent, dans un premier
temps, en France, puis réussirent, en octobre 1942,
à se réfugier en Suisse, où elles
vécurent avant dobtenir, en 1950, un permis
détablissement. Durant toute la guerre, aucun
de ces trois réfugiés na
été le moins du monde inquiété.
Nimporte quel soldat russe ou allemand ayant
vécu ces années sous la mitraille,
nimporte quel civil allemand exposé à la
terreur des bombardements alliés, nimporte quel
Russe assiégé dans Léningrad et
menacé de famine aurait volontiers
échangé son sort avec celui de la famille H.
En conclusion, Bergier et
consorts résument ainsi leur accusation contre la
Suisse dans les termes suivants:
Il était
interdit aux Juifs depuis lannée
précédente [1941] de quitter les
territoires soumis aux nazis. Chaque jour, des milliers
de Juifs ont été systématiquement
assassinés. Pour les persécutés, la
fuite vers la frontière suisse était
semée dénormes dangers. La Suisse
était leur dernier espoir. En créant des
obstacles supplémentaires à la
frontière, les autorités suisses ont
contribué - intentionnellement ou non - à
ce que le régime national-socialiste atteigne ses
objectifs. Louverture des frontières
naurait pas entraîné une offensive des
puissances de lAxe, ni engendré
dinsurmontables difficultés
économiques 6 . La Suisse a pourtant
refusé daider des personnes en danger de
mort. Une politique plus sensible aux exigences
humanitaires aurait sauvé des milliers de gens du
génocide perpétré par les
nationaux-socialistes et leurs complices (p.
285).
Selon le rapport Bergier,
dès lété 1942 «il
sagit désormais [pour les
Juifs] déchapper à une mort
certaine» (p. 89); les Juifs arrêtés
en France, dès le mois de juillet de cette même
année, étant livrés «à
une mort certaine» (p. 105). Et la Suisse
officielle en était parfaitement consciente, car
«les autorités fédérales (en
particulier des diplomates, des militaires et des policiers)
disposent dès 1941 dinformations sur les
massacres systématiques puis, en 1942, sur le
programme dextermination des Juifs en Europe»
(p. 88). Pourtant ces mêmes autorités
naccordèrent pas plus, désormais, le
refuge à tous les fugitifs dorigine juive
quelles nélevèrent la voix contre
ce génocide. Ainsi, nos milieux officiels se firent
les complices des coupables, doù la mise en
accusation de notre pays par la commission Bergier. Essayons
maintenant dexaminer sur quelles bases reposent de si
graves accusations.