"L’Histoire comporte des témoignages,
des principes et des méthodes. Il faut se
défier des témoignages, douter des
principes et n’accepter que les méthodes."
Gustave
Le Bon, 1918
4.
Que
savait-on à l’étranger
?
Si, comme l’affirme le
rapport Bergier, la Suisse officielle avait connaissance
dès 1942 d’une politique d’extermination
des Juifs, le simple bon sens nous dit qu’elle ne
devait pas être la seule à en avoir
connaissance. Dans ce cas, les puissances et autres
organisations que nous allons mentionner devaient être
spécialement bien informées:
¨ Les
Alliés, qui bénéficiaient d’un
excellent réseau de renseignements dans tous les
pays contrôlés par l’Allemagne et qui,
avec l’amiral Canaris, chef du Service de
renseignements militaires, possédaient un agent au
sommet du commandement allemand.
¨ Le Vatican, qui
bénéficiait d’un flux continuel
d’informations, grâce au clergé
officiant dans ces mêmes pays sous influence
allemande, parmi lesquels comptait également la
Pologne.
¨ Le Comité
international de la Croix-Rouge, qui a entretenu des
contacts étroits avec les parties en conflit, et
qui était bien renseignés sur les
conditions qui régnaient dans les
camps.
¨ Les organisations
sionistes en Amérique, en Angleterre, en Palestine
et partout ailleurs.
Le fait que ni les
Alliés, ni le Vatican, ni le Comité
international de la Croix-Rouge n’aient entrepris de
sérieuses tentatives pour sauver les Juifs
s’étale dans une série toujours plus
importante d’ouvrages 93 , qui – et non sans
raison ! – parviennent tous à la conclusion
qu’en aucun cas une politique allemande
d’extermination n’a pu être tenue
secrète.
Le 17 décembre 1942,
les puissances occidentales de concert avec les
Soviétiques et les gouvernements en exil des Etats
occupés par l’Allemagne publièrent une
déclaration où il est question, c’est
vrai, d’une «extermination perpétrée
de sang froid», mais dans laquelle ne perce aucune
allusion aux chambres à gaz, et où le nom
d’Auschwitz n’apparaît même pas. Au
mois d’août 1943, plus d’une année et
demie après le début des prétendus
gazages 94 ! Une allusion aux chambres à gaz, qui
était prévue au sein d’une
déclaration commune des Alliés sur les crimes
allemands en Pologne, est passée sous silence sur la
recommandation du ministre des Affaires
étrangères américain, Cordell Hull,
parce que les preuves avancées paraissent
insuffisantes 95 . Bien qu’en Amérique, la
presse israélite évoque couramment
l’extermination des Juifs dans des communiqués
souvent repris sur les titres des manchettes, il n’en
est aucunement question lors des conférences de
presse que le président Roosevelt donnera deux fois
par semaine jusqu’en automne 1943, et aucun journaliste
n’interrogera le président à ce propos
96 . Au printemps 1944, alors que se multipliaient les
communiqués horribles sur le gazage en masse de Juifs
hongrois à Auschwitz-Birkenau, Britanniques et
Américains ne bombardent pas plus les voies de chemin
de fer conduisant de Hongrie à Auschwitz que les
crématoires dans lesquels auraient dû se
trouver les chambres à gaz.
A Auschwitz, les
exécutions en masse au moyen de gaz homicides
devaient pourtant avoir commencé au printemps 1942.
Très vite les adversaires de l’Allemagne durent
se rendre à l’évidence, la dissimulation
de meurtres de masse à Auschwitz était une
chose impossible, entre autres pour ces raisons:
¨ Les
bâtiments dans lesquels les exécutions par
le gaz auraient dû se faire n’étaient
en aucune manière à l’abri de la
curiosité. Cela vaut également pour les
deux fermes situées à
l’extérieur de Birkenau, lesquelles ont
prétendument servi, dès le printemps 1942,
de lieux d’exécutions, à en croire la
version officielle de l’Histoire. Et cela est aussi
vrai des crématoires situés à
l’intérieur du camp de Birkenau, dans
lesquels, à partir du mois de mars 1943, des
exécutions par le gaz étaient
censées avoir lieu; ces crématoires
étaient tout juste entourés d’une
clôture de fil de fer barbelé.
¨ Auschwitz
était un archipel méthodiquement
organisé avec quelque 40 camps annexes
disséminés dans toute la Silésie;
les détenus étaient répartis suivant
les besoins dans ces différents camps. De ce fait,
ils étaient nécessairement en contact avec
des personnes extérieures.
¨ Auschwitz se
trouvait au coeur d’un complexe industriel. IG
Farben y avait installé une fabrique pour la
production de «Buna» (le caoutchouc
synthétique, un produit utilisé pour la
fabrication de pneus et donc d’importance
militaire). Raul Hilberg écrit à ce propos
97 : «Initialement fixé à plus
de 500 millions de reichsmarks, l’investissement de
capital atteignit finalement 700 millions de reichsmarks.
(…) [En plus de la main d’oeuvre]
Quelque 170 entrepreneurs furent mis à
l’ouvrage. On construisit l’usine, des routes,
des baraquements pour les détenus; on installa des
barbelés pour la «tranquillité de
l’usine (Fabrikeinfriedung)»; et, après
l’arrivée massive du personnel
d’IG-Farben dans la ville d’Auschwitz, deux
cités ouvrières furent
édifiées. Afin de garantir que IG-Auschwitz
disposerait de tous les matériaux de construction
nécessaires, Krauch [un employé
d’IG-Farben] consentit à ordonner que
la priorité (Dringlichkeitsstufe I) soit
donnée à Buna jusqu’à la fin
des travaux. IG-Auschwitz ne s’en tint pas
là: elle acquit sa base de production de charbon,
la Fürstengrube et la Janinagrube. Les deux mines
furent remplies de détenus
juifs.»
¨ A Auschwitz
travaillaient ensemble des détenus et des ouvriers
civils. Durant la construction des crématoires de
Birkenau, qui sont censés avoir abrité des
chambres à gaz, il n’y avait pas moins de
douze entreprises civiles qui étaient à
l’oeuvre; des ouvriers qui érigèrent
les crématoires, deux tiers étaient
composés de détenus et un tiers de
travailleurs libres98. Lorsqu’ils habitaient les
environs, les travailleurs libres rentraient chaque soir
dans leur foyer, c’est-à-dire à
l’extérieur du camp, sauf durant les
épidémies de typhus.
¨ Il arrivait
fréquemment que des détenus soient
transférés d’Auschwitz vers
d’autres camps. Citons par exemple ces quelques
célébrités: Anne Frank et sa soeur
Margot (Auschwitz-Bergen Belsen; toutes deux moururent du
typhus peu de temps avant la fin de la guerre), Elie
Wiesel (Auschwitz-Buchenwald), Marie-Claude
Vaillant-Couturier, qui sera plus tard membre du
comité central du parti communiste français
(Auschwitz-Ravensbrück), le Juif autrichien Benedikt
Kautsky appartenant à l’aile gauche du parti
socialiste (Dachau-Buchenwald-Auschwitz-Buchenwald;
après la guerre il écrira un livre
remarquable par son objectivité intitulé
Teufel und Verdammte 99
(Démons et damnés), ou encore
Israel Gutman, qui participera à la publication de
l’Encyclopédie de l’Holocauste
(Maïdanek-Auschwitz-Mauthausen-Gunskirchen
100 ). Pourquoi Kautsky, victime toute
désignée en tant que Juif et marxiste,
fut-il transféré d’un camp à
l’autre sans être exterminé dans aucun
d’eux, et comment Israel Gutman a-t-il pu
pareillement survivre à deux camps
d’extermination ainsi qu’à deux camps de
concentration normaux ? Dans un prochain rapport,
Monsieur Bergier, qui soutient que tout
déporté juif était voué
«à une mort certaine», saura-t-il sans
doute éclairer notre lanterne.
¨ Entre juin et
octobre de l’année 1944, quelque 23 000
détenus Juifs (parmi lesquels une part
prépondérante de femmes) ont
été transférés
d’Auschwitz à Stutthof, à l’est
de Danzig (Gdansk) 101 . Alors qu’entre mai et
juin de la même année l’extermination
des Juifs hongrois est censée avoir lieu à
Auschwitz-Birkenau – le nombre des victimes
étant arbitrairement estimé à un
million (Ben Hecht 102 ), 409 640 (Georges Wellers
103 ) ou quelque 180 000 (Raul Hilberg 104 )
– les nationaux-socialistes envoyèrent, par
conséquent, des cohortes de témoins de ce
crime de masse à Stutthof, où ils furent
répartis dans des commandos de travailleurs
105 afin qu’ils puissent raconter partout
à la ronde à quel crime inconcevable ils
avaient assisté !
¨ De nombreux
détenus furent libérés
d’Auschwitz. Dans la plupart des cas, il
s’agissait de Polonais qui, pour avoir enfreint les
conditions de leur contrat de travail, avaient
été condamnés à quelques
semaines de travaux forcés. Pour
l’année 1944, Mattogno et moi-même
avons trouvé aux archives de Moscou les preuves
documentaires concernant cent quatorze libérations
de ce type; pourtant cela ne doit concerner qu’une
fraction du nombre effectif des élargissements
car, pour le seul mois de juin, cinquante-huit cas ont pu
encore être recensés 106 . Une fois
libérés, pourquoi ces détenus
n’ont-ils rien dit des chambres à gaz
homicides ?
Le mouvement de la
Résistance polonaise a effectivement répandu,
dès 1942, des nouvelles faisant état de
massacres à Auschwitz. Selon ces communiqués,
ces massacres ont été perpétrés
au moyen de bains électriques, de gaz de combat,
d’un canon pneumatique, ou encore dans des chambres
où «un marteau pneumatique descendait du
plafond, et où les prisonniers étaient
exécutés par la compression
atmosphérique obtenue au moyen d’une
installation spéciale» 107. De Zyklon-B il
n’est question dans aucun des trente-deux
communiqués.
Ces nouvelles
répandues par le mouvement de Résistance
polonais ne trouvèrent pas le moindre écho
auprès du gouvernement polonais en exil à
Londres et furent passées sous silence par les
Alliés. L’historien britannique d’origine
juive Martin Gilbert écrit 108 : «Les
noms ainsi que l’emplacement géographique des
quatre camps d’extermination Chelmno, Treblinka,
Sobibor et Belzec, étaient connus des pays
alliés au plus tard durant l’été
1942. Au contraire, le secret des chambres à gaz
d’Auschwitz-Birkenau fut gardé de la
première semaine de mai 1942 jusqu’à la
troisième semaine de juin 1944. (…) Et
même parmi ceux qui croyaient s’être
composé une image des plus exhaustives de ce qui
était arrivé aux Juifs, le nom
d’Auschwitz était à peine connu dans ces
années là. (…) Il n’était pas
répertorié sur la liste connue et souvent
citée des lieux du crime.»
A partir de ces faits
évidents, que (a) des massacres ne pouvaient
être cachés plus longtemps que 4 semaines
à la face du monde, et que (b) le monde n’ait
rien entendu des meurtres de masses pendant plus de 2 ans,
le chercheur américain Arthur Butz en tire la
conclusion inévitable, mise en forme de syllogisme
109 : «Je ne vois pas
d’éléphant dans ma cave. S’il y
avait un éléphant dans ma cave, je le verrais
très certainement. Donc il n’y a aucun
éléphant dans ma cave».
Ce n’est qu’avec
la déportation des Juifs de Hongrie, au printemps et
au début de l’été 1944,
qu’Auschwitz se trouva sous les projecteurs de
l’actualité. Pourquoi les lignes ferroviaires
conduisant au camp, tout comme les crématoires,
n’ont-ils pas été bombardés? Les
prises de vue recueillies par les avions de reconnaissance
alliés dès la fin 1943 nous donnent la
clé de cette énigme. Une de ces prises de vue
date du 31 mai 1944, elle est d’une lisibilité
parfaite. A cette époque, quelque 10 000 Juifs
hongrois devaient périr chaque jour gazés dans
les crématoires où, répétons-le,
des chambres à gaz sont censées avoir
été installées; et comme la
capacité des fours crématoires
n’était pas suffisante, une grande partie des
cadavres étaient brûlés à
l’air libre dans des fosses. La prise de vue du 31 mai
ne laisse entrevoir aucune file humaine devant les
crématoires, aucune fosse d’incinération
en feu, pas le moindre secteur de ciel assombri par la
fumée, bref, rien de tout ce qui fait l’objet
des descriptions des témoins oculaires. Un examen
attentif des autres prises de vue faites à cette
époque ne modifie en rien une telle conclusion
110 .
La propagande sur Auschwitz
allait bientôt diminuer et, après la
libération de Maïdanek par l’Armée
rouge, le 24 juillet 1944, c’est ce camp qui sera
désigné comme le principal camp
d’extermination; plus d’un million et demi
d’êtres humains, disait-on, avaient trouvé
la mort là-bas (le chiffre réel est
d’environ 42 500 victimes 111 ). C’est
seulement en novembre 1944 que la propagande
s’intéressa de nouveau à Auschwitz. A ce
moment fut publié aux Etats-Unis l’exposé
du Comité pour les réfugiés de la
guerre (War Refugee Board Report), qui contenait
trois rapports de détenus échappés
d’Auschwitz. Le premier émanait des Juifs
slovaques Rudolf Vrba et Alfred Wetzler, qui
préférèrent garder l’anonymat.
Leur description des crématoires apporte la
démonstration qu’ils ne les ont jamais vus de
l’intérieur, car ils ont consigné dans
leur rapport à peu près toutes les erreurs
possibles 112 .
Le 27 janvier 1945, le camp
était libéré par l’Armée
rouge et, le 2 février, le journaliste
soviétique d’origine juive Boris Polevoi
affabulait dans la Pravda à propos d’un
tapis roulant sur lequel des centaines de Juifs
étaient exécutés au moyen de courant
à haute tension. Il est vrai que ce journaliste
trouva également des chambres à gaz, mais pas
au bon endroit: non pas, en effet, à Birkenau dans la
partie du camp orientée à l’Ouest, mais
dans la partie située à l’Est, où
on ne situe plus la présence ou les vestiges de la
moindre chambre à gaz homicide. Les
Soviétiques ne sont manifestement pas parvenus
à se concerter avec les Anglo-Américains sur
ce point précis. Au mois de mars 1946, les
Britanniques retrouvent Rudolf Höss, le premier des
trois commandants qui se sont succédés
à Auschwitz. Après trois jours passés
entre les mains d’une équipe de tortionnaires
dirigée par le Juif Bernard Clarke 113, Höss
avouera jusqu’en novembre 1943, deux millions cinq cent
mille (2 500 000) victimes gazées et quelque cinq
cent mille autres mortes de faim ou de maladie. Il fut en
outre protocolé que Höss avait visité, en
juin 1941, les camps de Belzec et Treblinka (Belzec fut
ouvert en mars 1942 seulement, et Treblinka en juillet 1942)
et qu’il livra des informations sur «Wolzek»,
un camp d’extermination dont on n’a jamais plus
entendu parler depuis 114 .
Nous savons que le
Saint-Siège n’a jamais parlé
d’extermination des Juifs jusqu’à la fin de
la guerre, et Rolf Hochmuth, dans Le Vicaire, sa
pièce marquée du sceau d’un
anticatholicisme virulent, exploita ce silence pour
critiquer le pape. Par ailleurs, Pie XII n’était
pas un sympathisant du national-socialisme: au contraire, il
inclinait fortement du côté des Alliés,
comme l’ont démontré Mary Ball
Martínez 115 et Pierre Maximin 116 . Avec
la prise de Rome par les Américains, au début
de juin 1944, les Allemands ne pouvaient plus s’emparer
de la personne du Pape, aussi Pie XII aurait-il pu condamner
en toute sécurité l’extermination des
Juifs de Hongrie, censée avoir débuté
juste trois semaines auparavant, en admettant que le Pape
ait eu à sa disposition des informations
crédibles à ce sujet. De même, Mgr
Galen, ainsi que le pasteur Wurm, qui avaient tous deux
stigmatisé publiquement l’euthanasie
pratiquée en Allemagne sur les malades incurables,
personnalités dont on ne peut guère
prétendre qu’elles manquaient de courage, ne
mentionnèrent jamais une extermination des Juifs
avant la fin de la guerre.
Durant toute la guerre, le
Comité international de la Croix-Rouge n’eut pas
connaissance de gazages à Auschwitz (ou ailleurs). Au
mois de septembre 1944, au moment où le crime
ineffable arrive à son terme, des
délégués de la Croix-Rouge
visitèrent Auschwitz et rédigèrent un
rapport dont l’extrait suivant est éloquent
117 :
Nous
espérons pouvoir vous faire parvenir bientôt
des noms, prénoms et numéros de
détenus d’Auschwitz ainsi que leur
nationalité. En effet, un Kommando de prisonniers
de guerre britanniques travaille dans une mine à
Auschwitz en contact avec ces gens. Nous avons
prié l’homme de confiance principal de
Teschen de faire son possible pour obtenir de
l’homme de confiance du Kommando d’Auschwitz
tous les renseignements utiles. Spontanément,
l’homme de confiance principal britannique de
Teschen nous a demandé si nous étions au
courant au sujet de la «salle de douches». Le
bruit court en effet qu’il existe au camp une salle
de douches moderne où les détenus seraient
gazés en série. L’homme de confiance
britannique a, par l’intermédiaire de son
Kommando d’Auschwitz, essayé d’obtenir
confirmation de ce fait. Ce fut impossible à
prouver. Les détenus eux-mêmes n’en ont
pas parlé.
En septembre 1944, le CICR
considérait donc toujours que les gazages relevaient
de la rumeur; en outre, ce n’est pas dans les
crématoires (de même que dans deux fermes
à Birkenau) que sont situés, comme dans les
versions ultérieures, d’éventuels lieux
d’exécution, mais au contraire dans une
«salle de douches moderne», et les détenus
eux-mêmes ne parlèrent pas de gazages
homicides.
Bergier et consorts
critiquent sévèrement le CICR pour son silence
sur «l’Holocauste»; ils
n’hésitent pas à écrire, page
254:
D’une
manière générale, pourtant, les
possibilités d’action de l’institution
genevoise restent largement subordonnées au
consentement de la Confédération.
L’épisode désormais le plus connu est
le «non-appel» aux belligérants de
l’automne 1942. Il s’agit d’un texte,
proposé par des membres féminins, contenant
un rappel des «règles» de la guerre et,
à mots couverts, une condamnation des
déportations nazies, mais qui ne fut finalement
pas publié. Les femmes qui siègent au
Comité, surtout, réalisent que, face
à la politique d’extermination du
régime national-socialiste, l’action
feutrée envers les victimes civiles n’est
plus une réponse adéquate. Mme Marguerit
Frick-Cramer, bouleversée par les informations qui
ont convergé, dès 1942, au CICR, peut ainsi
écrire à fin 1944: «Et s’il
n’y a rien à faire, eh bien, qu’on
envoie à ces malheureux de quoi mettre fin
à leur jour; ce serait peut-être plus humain
que de leur donner des vivres.» Pour la
majorité pourtant, en 1942,
l’éventualité d’un appel public
dérange. Ainsi, dès l’annonce du
projet, de Haller [le délégué du
Conseil fédéral auprès des oeuvres
d’entraide] le communique à Bonna [le
directeur de la section des affaires
étrangères du Département politique
fédéral] qui le juge inopportun:
«Il serait, en ce moment, ressenti comme une
condamnation des déportations que le
problème de la main-d’oeuvre rend
probablement inéluctable (…)»
Ainsi, pour le CICR, les
déportations étaient la conséquence du
problème de la main-d’oeuvre, et
jusqu’à fin 1944, il ignorait tout d’une
«politique d’extermination», mais savait bien
que la situation empirait rapidement suite à
l’évolution du conflit, catastrophique pour les
Allemands, et que la mortalité augmentait partout de
manière dramatique.
Quant aux organisations
sionistes, comme l’Agence juive, elles ne firent rien
en faveur de leurs coreligionnaires des pays occupés
par l’Allemagne. Amer, l’écrivain
américain d’origine juive Ben Hecht remarque
118 :
Durant ces
années d’extermination des Juifs
européens, l’Agence juive dirigée par
Ben-Gourion, Sharett et consorts ne fut que
superficiellement juive. En effet, elle ne se laissa
point ébranler dans sa loyauté
vis-à-vis de la politique britannique. Quand cette
dernière exigeait le silence et l’inaction
à l’égard de l’extermination des
juifs de Hongrie, l’Agence juive ainsi que ses
représentants aujourd’hui
célèbres s’en tinrent à cette
politique. Pas une seule fois, l’Agence juive
n’a renseigné le monde et les Juifs de
Palestine quant aux tueries de masse
perpétrées en Hongrie et à Auschwitz
contre le dernier million de Juifs hongrois. Ni les
titres de la presse de Ben-Gourion, ni les innombrables
conférences qu’il tint personnellement
à cette époque ne mentionnent ces
tueries.
Passons à un autre
sujet: que savaient-ils eux-mêmes, en fin de compte,
ces Juifs des pays occupés par l’Allemagne, de
la «politique d’extermination»? Il est
possible d’y répondre grâce à
l’ouvrage de Raul Hilberg, La destruction des
Juifs d’Europe. L’auteur renommé y
affirme 119 :
«Dans toute
la Pologne, la grande masse des Juifs se
présentaient d’eux-mêmes,
volontairement, aux points de ralliement et montaient
dans les trains qui les conduisaient aux centres de mise
à mort.»
Ce que dit Hilberg de ses
coreligionnaires et frères de sang n’est
guère flatteur ! A propos des déportations des
Juifs de Hongrie, il écrit 120 :
«S’ils regardaient une carte de l’Europe
de l’Axe au début de 1944, les Juifs hongrois
voyaient que tout autour d’eux les communautés
juives avaient été frappées et
anéanties. (…) Les Juifs hongrois furent presque
les seuls à avoir été pleinement
avertis, à avoir eu pleinement connaissance du sort
qui les attendait, alors que leur communauté
n’avait pas encore été
atteinte.» Dans de telles conditions, que fit le
Conseil juif de Budapest? Il aida aux déportations,
rappelant à la population juive, qu’il
était «du devoir de toute personne de se rendre
à l’endroit indiqué, et à
l’heure voulue» 121. Ailleurs, Hilberg rapporte
que ces Juifs du ghetto de Lodz, en août 1944 (!!!),
partaient volontairement à Auschwitz, pourvus
d’un bagage de 20 kilogrammes par personne 122,
là où, selon le même Hilberg, ils
étaient aussitôt «gazés»
(beaucoup de ces «gazés»
réapparurent plus tard à Stutthof, où
ils avaient été transférés
d’Auschwitz pour être répartis dans les
Kommandos qui travaillaient dans cet autre camp 123 ).
Ainsi, au printemps de 1944,
les Juifs de Hongrie ignoraient encore tout d’une
politique d’extermination dont ils seraient les
victimes. De même, les Juifs de Pologne, en août
1944: sinon pourquoi seraient-ils montés
volontairement dans les trains qui devaient les conduire
à Auschwitz? ils n’étaient très
certainement pas les poltrons que nous dépeint un
Raul Hilberg plein de mépris. Mais, selon le rapport
Bergier, la Suisse, dès 1942, était
parfaitement au courant du sort qui attendait les Juifs !
Pour quelle sorte de
demeurés Bergier et consorts prennent-ils vraiment
leurs lecteurs ?